Le rôle des policiers selon Gbagbo Laurent

Vous êtes des policiers, vous n’êtes pas des juges... Moi, mon père était militaire et après policier, donc je connais le rôle des policiers…Vos ennemis, ce sont tous ceux qui sont contre la République.Tous ceux qui veulent installer la chienlit, le désordre. Tous ceux qui veulent troubler les élections. Battez-vous contre le désordre, contre la chienlit… Ne réfléchissez pas, ce sont les juges qui réfléchissent. Vous êtes des combattants du respect de l’ordre public. S’il y a des dégâts, les juges rétabliront tout. La République se construit avec les Forces de l’ordre, avec les forces de combat… Moi, j’ai les bras de la République. Quand le moment arrive pour que je lance mes bras, je les lance.
Matez tous ceux qui sèment le désordre et après on réfléchira … Matez, matez, tous ceux qui sont contre la République... Moi, mon père était militaire et après policier, donc je connais le rôle des policiers…Votre rôle n’est pas de réfléchir comme les juges. Ce sont les commissaires qui réfléchissent à votre place… Vous, votre rôle, c’est de mater, de mater…Le policier ne doit pas réfléchir… Il doit taper et s’il y a des erreurs, s’il y a des problèmes nous allons arranger…

Gbagbo Laurent, Chef de l'Etat ivoirien, à l'occasion de l'installation de la CRS 3 à Divo le vendredi 27 Août 2010


mardi 22 mars 2011

Yao Paul N’Dré aurait pu sauver la Côte d’Ivoire


L’élection présidentielle du 28 Novembre 2011 qui a fondé l’espoir des ivoiriens d’un retour durable et définitif de la paix et de l’instauration d’une véritable démocratie, s’est transformée en une grave crise post-électorale parce que le Conseil constitutionnel dirigé par Yao Paul N’Dré en mission pour Gbagbo n’a pas dit le droit. D’ailleurs l’un des slogans de campagne du candidat Gbagbo était « On gagne ou on gagne ». Ce qui signifie même si je perds dans les urnes, je serai proclamé vainqueur par le Conseil constitutionnel. Depuis cette forfaiture de Yao Paul N’Dré, le pays est sous une pluie de sanctions dont les seules victimes sont les pauvres et innocentes populations. La Côte d’Ivoire est au bord du chaos, chaque jour sont lot de massacres dans l’indifférence de la communauté internationale qui a d’autres chats à fouetter : la Lybie et l’impuissance de l’Onuci à protéger la population, alors que cela fait partir de sa mission.

Gbagbo, dont la victoire n’est reconnue par aucune organisation internationale, ni par la quasi-totalité des observateurs nationaux et internationaux et qui s’accroche à la constitution comme une bouée de sauvetage, a réclamé à cor et a cri un panel, avec le soutien actif de l’Afrique du Sud, première puissance économique de l’Afrique, qu’il a obtenu de l’Union Africaine. Ce panel selon lui, devait venir évaluer l’élection présidentielle et dire la vérité électorale.

Le panel, composé de cinq Chefs d’Etats représentant les cinq grandes régions de l’Afrique, précédé d’experts, est venu voir claire dans la marmite électorale ivoirienne et la fumée blanche est sortie. La conviction du panel sur le vainqueur de la présidentielle s’est faite après son entretien avec Yao Paul N’Dré et les membres du Conseil constitutionnel, le juge électoral. Voici ce que dit le rapport du panel après son entretien avec le Conseil constitutionnel : « (IV) Rencontre avec le Président et les membres du Conseil constitutionnel de Côte d`Ivoire
30. Dans son exposé liminaire au Groupe de haut niveau, le Président du Conseil constitutionnel, accompagné de l`ensemble des membres de cette institution, a affirmé que sa juridiction, qui est le juge des élections, a agi dans le cadre de la légalité. D`après lui, la CEl n`ayant pas transmis les résultats provisoires dans le délai de trois jours qui lui est imparti, selon son interprétation de l`article 59 du Code électoral, il revenait au Conseil constitutionnel de prendre les choses en main. Il a indiqué avoir été en contact constant avec le Président de la CEl pour examiner avec celui-ci la marche à suivre à la suite de l`incapacité de la Commission à s`entendre sur les cinq régions objet de divergences, ainsi qu`avec le Représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies. La CEl, a-t-il ajouté, avait la possibilité de solliciter une extension de 48 heures du délai à elle imparti. Mais à sa grande surprise, et alors qu`il attendait un coup de fil de M. Bakayoko, il a vu ce dernier annoncer les résultats à partir de l`hôtel du Golf. Dés lors, il n`avait d`autre choix que d`user de la procédure d`auto-saisine et de déclarer nuls et de nul effet les résultats proclamés par la CEI. Ainsi, a-t-il conclu, le 3 décembre, sur la base des 20.073 procès verbaux, des rapports sur le déroulement du scrutin et des réclamations formulées par le candidat Laurent Gbagbo, le Conseil constitutionnel a proclamé. Les résultats définitifs de l`élection présidentielle du 28 novembre 2010, donnant la victoire à ce dernier, qui a prêté serment le 4 décembre.
31. Le Groupe de haut niveau a estimé crucial d`interagir de manière soutenue avec le Conseil constitutionnel, en tant qu`organe ayant le dernier mot sur les questions électorales. Aussi le Groupe a-t-il sollicité nombre de clarifications. Il a commencé par demander quelle est la nature juridique des résultats proclamés par la CEI. En réponse, le Président du Conseil constitutionnel a indiqué que ces résultats ne sont que provisoires et doivent être confirmés par le Conseil constitutionnel, qui est seul habilité à prononcer les résultats définitifs et à désigner le vainqueur de l`élection. »
32. A la question de savoir pourquoi le Conseil constitutionnel a procédé seulement à une annulation partielle du scrutin portant sur près de 13,10% des suffrages exprimés, alors que l`article 64, qui s`applique en l`espèce, prévoit l`annulation de l`ensemble du vote et la tenue d`une nouvelle élection, le Président du Conseil constitutionnel a répondu qu`il existe un précédent d`annulation partielle tiré de l`élection présidentielle de 1995. Il a justifié la décision du Conseil constitutionnel d`annuler le vote dans des départements qui n`avaient pas fait l`objet de contestation de la part du candidat Gbagbo par le pouvoir du Conseil constitutionnel, une fois des réclamations introduites, de statuer sur tous les cas éventuels d`irrégularités par une procédure d`auto-saisine. Sur l`organisation de nouvelles élections telle que prescrite par l`article 64, il a répondu que les irrégularités n`ayant porté que sur 13,10%, il n`était pas nécessaire d`envisager une telle perspective. Un nouveau scrutin serait, selon lui, organisé si les irrégularités concernaient 30 à 40% des votes. Sur cette question, un membre du Groupe lui a fait remarquer que pourtant l`annulation de 13,10 des voix par le Conseil constitutionnel a eu l`impact décisif de changer complètement le résultat du scrutin
33. Le Président du Conseil constitutionnel, en réponse à une question du Groupe sur la nature des violences et autres incidents qui l`ont conduit à annuler le vote dans des départements du Nord ivoirien, a indiqué avoir reçu des témoignages de viol et autres exactions contre des femmes soutenant La Majorité présidentielle. Un membre du Groupe lui a demandé comment des cas de viol peuvent intervenir dans un lieu public aussi fréquenté qu`un bureau de vote le jour du scrutin. Revenant sur les annulations de vote, le Groupe a demandé au Président du Conseil constitutionnel qui aurait été le vainqueur de l`élection si le vote n`avait pas été annulé dans sept départements du Nord. Sur ces deux questions, le Groupe n`a pas reçu de réponse formelle. Le Groupe a également demandé au Conseil constitutionnel de lire le contenu de l`article 59 du Code électoral. En réponse à cette requête, un membre du Conseil a d`abord donné l`interprétation que le Conseil a fait de cet article, qui, il est vrai, a-t-il dit, prescrit expressément un délai de trois jours à la CEl pour transmettre les procès verbaux, sans pour autant prévoir un délai spécifique pour la proclamation des résultats provisoires. Un membre du Groupe a tenu à demander au Président et aux membres du Conseil constitutionnel s`ils avaient bien mesuré la gravité de leur décision qui est la cause des désordres et de la crise actuelle dans laquelle se débat la Côte d`Ivoire.
34. A la question de savoir quelles sont les pistes de sortie de crise que "le Conseil constitutionnel pourrait proposer, le Président du Conseil constitutionnel a souligné la nécessité, pour les Africains, de respecter les institutions qu`ils se sont données. Il a, enfin, renouvelé au Groupe sa disponibilité à apporter sa contribution au règlement de la crise (Annexe V). »


Après les bégaiements de Yao Paul N’Dré et ses collaborateurs devant le groupe de haut niveau et leur incapacité à expliquer les fondements juridiques de leur décision et à convaincre, il ne fait aucun doute que le vainqueur de la présidentielle du 28 Novembre 2010 est bel et bien Alassane Ouattara. Certainement que c’est ce qui justifie l’absence de Yao Paul N’Dré à la réunion du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine.

Le verdict du panel, la vérité électorale étant connus, Gbagbo Laurent doit, s’il est un démocrate comme il le clame et s’il aime la Côte d’Ivoire, arrêter de s’accrocher à la constitution qui a été violée par Yao Paul N’Dré et accepter dans l’humilité et la grandeur la vérité dite par le panel qu’il a ardemment sollicité. Il doit prononcer la seule parole qui libère la Côte d’Ivoire. Au moment où les ivoiriens attendent cette parole libératrice qui le fera entrer au panthéon des grands Hommes, on assiste à l’enrôlement des jeunes patriotes désœuvrés dans l’armée pour libérer la Côte D’Ivoire selon Blé Goudé à l’origine de l’appel. Peut-être que c’est la mise en œuvre du programme de campagne du candidat Gbagbo visant à créer des milliers d’emplois pour les jeunes. Libérer quelle Côte d’Ivoire ? Libérer la Côte de quoi ? Attention à la rwandisation de la Côte d’Ivoire ! Au Rwanda, ce sont des machettes qui ont été distribuées à une partie de la population pour massacrer l’autre partie considérée comme des cafards sous fond de propagande de la radio mille collines (le résultat, des centaines de milliers de morts en quelques semaines). En Côte d’Ivoire, ce sont des kalachnikovs qu’on veut distribuer aux partisans de Gbagbo pour chasser les rebelles. Dans cette crise post-électorale, sont considérés comme rebelles par le clan Gbagbo les partisans d’Alassane Ouattara et tous ceux qui ne reconnaissent pas la victoire de Gbagbo ; tout cela sous fond de propagande de la RTI. Peut-être que Gbagbo veut siéger au tribunal de l’Histoire aux côtés d’Hitler, Mussolini et autres Charles Taylor.

Yao Paul N’Dré et les membres du Conseil constitutionnel ont-t-ils bien mesuré la gravité de leur décision qui est la cause des désordres et de la crise actuelle dans laquelle se débat la Côte d`Ivoire ?

mardi 15 mars 2011

Voici le rapport du groupe des Experts qui fonde les décisions du Panel

Dépêchés en Côte d’Ivoire pour se faire une idée nette de la crise postélectorale, les Experts de l’UA ont produit, après consultations de toutes les parties, un rapport final. C’est sur la base de leur rapport que les chefs d’Etat du Panel ont tranché. Nous vous en proposons l’intégralité.

I. INTRODUCTION

1. Le présent rapport rend compte des activités entreprises par le Groupe de haut niveau de l`Union africaine (UA) pour le règlement de la crise en Côte d`Ivoire, depuis sa création en janvier 2011. Le rapport se conclut par des observations et recommandations sur une solution politique d`ensemble à la crise.

II. MANDAT DU GROUPE DE HAUT NIVEAU POUR LE REGLEMENT DE LA CRISE EN COTE D`IVOIRE

2. Le Conseil se souviendra que, lors de sa 259ème réunion tenue au niveau des chefs d`Etat et de Gouvernement, à Addis-Abeba, le 28 janvier 2011, il a examiné la situation en Côte d`Ivoire. Dans le communiqué adopté à l`issue de ses délibérations, le Conseil a réaffirmé ses décisions antérieures sur la situation en Côte d`Ivoire, en particulier le communiqué de presse publié à l`issue de sa 251ème réunion tenue le 4 décembre 2010 et le communiqué de sa 252ème réunion tenue le 9 décembre 2010, ainsi que les communiqués de la Conférence des chefs d`Etat et de Gouvernement de la Communauté économique des Etats de l`Afrique de l`Ouest (CEDEAO) des 7 et 24 décembre 2010, respectivement, reconnaissant M. Alassane Dramane Ouattara comme Président élu à l`issue du scrutin présidentiel du 28 novembre 2010, sur la base des résultats certifiés par le Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies, conformément à la résolution 1765 du 16 juillet 2007 et aux différents Accords signés par les parties ivoiriennes et entérinés par la CEDEAO, l`UA et les Nations unies,
3. Après avoir exprimé sa profonde préoccupation face à la grave crise politique qui prévaut en Côte d`Ivoire, depuis la proclamation des résultats du second tour de l`élection présidentielle, le Conseil a réaffirmé la nécessité d`une solution pacifique rapide qui permette de préserver la démocratie et la paix, à travers le respect de la volonté du peuple ivoirien telle qu`elle a été exprimée le 28 novembre 2010, et favorise une réconciliation durable entre tous les Ivoiriens, à travers le dialogue. A cet égard, le Conseil a décidé de mettre en place, sous l`autorité de l`Union africaine, un Groupe de haut niveau pour le règlement de la crise, dans des conditions qui préservent la démocratie et la paix, Le Conseil a décidé que le Groupe opérerait comme suit:
a) le Groupe sera assisté par une équipe d`experts et travaillera, en tant que de besoin, en étroite coopération avec les partenaires de l`UA, notamment les Nations unies;
b) le Groupe est mandaté pour évaluer la situation et formuler, sur la base des décisions pertinentes de l`UA et la CEDEAO, une solution politique de d`ensemble;
c) le Groupe conclura son travail dans un délai qui ne dépassera pas un mois, et ses conclusions, telles qu`elles seront entérinées par le CPS, seront contraignantes pour toutes les parties ivoiriennes avec lesquelles elles auront été négociées (Annexe 1).
4. Dans le communiqué du Conseil, il a été indiqué que la composition du Groupe de haut niveau serait finalisée après consultations appropriées au cours de la 16ème session ordinaire de la Conférence de l`Union, prévue à Addis Abeba, les 30 et 31 janvier 2011. Conséquemment, et à l`issue de consultations, il a été convenu que le Groupe de haut niveau comprendrait les chefs d`Etat des pays suivants: Mauritanie, qui assurera la présidence du Groupe, Afrique du Sud, Burkina Faso, Tanzanie et Tchad, ainsi que les Présidents des Commissions de l`Union africaine et de la CEDEAO.

III. ACTIVITES DU GROUPE
DE HAUT NIVEAU

A. Réunion inaugurale du Groupe de haut niveau
5. Le Groupe de haut niveau a tenu sa réunion inaugurale à Addis Abéba le 31 janvier 2011, sous la présidence de S.E.M. Mohamed Ould Abdel Aziz, Président de la République islamique de Mauritanie, aux fins de convenir de son programme de travail. Le Groupe a décidé de constituer, dans un délai de trois jours, l`Equipe d`experts prévue par le communiqué du CPS. Il est également convenu que: (i) l`Equipe se réunirait immédiatement après à Addis Abéba pour entamer le travail préparatoire, avant d`effectuer une visite en Côte d`Ivoire dans le même objectif; (ii) l`Equipe d`experts soumettrait les résultats de ses travaux aux membres du Groupe de haut niveau lors d`une réunion qui se tiendra à Nouakchott; et que (iii) le Groupe se rendrait, par la suite, en Côte d`Ivoire pour y rencontrer les parties et leur soumettre des propositions de sortie de crise. Dans l`intervalle, le Groupe a réitéré l`appel de l`UA à toutes les parties ivoiriennes pour qu`elles fassent preuve de la plus grande retenue, œuvrent à l`apaisement et lui apportent leur entière coopération pour faciliter le règlement rapide de la crise que connaît leur pays (Annexe Il).
6. Dans le prolongement du communiqué de la réunion inaugurale du Groupe de haut niveau, l`Equipe d`experts a été constituée comme suit:
- Amb. Ramtane LAMAMRA (Commission de l`UA);
- Dr. Abdel Fatau MUSAH (Commission de la CEDEAO) ;
- Dr. Siyabonga CWELE (Afrique du Sud) ;
- Dr. Vincent ZAKANE (Burkina Faso);
- Prof. Cheikh Saad Bouh KAMARA (Mauritanie) ;
- Amb. David KAPYA (Tanzanie);
- et Amb. Cherif Mahamat ZENE (Tchad).

B. Activités de l`Equipe d`experts

7. L`Equipe d`experts a tenu sa première réunion à Addis Abéba; le 5 février 2011, sous la présidence du Commissaire à la Paix et à la Sécurité de l`UA, l`Ambassadeur Ramtane Lamamra, qui a assuré la coordination de l`Equipe d`experts. Cette réunion a été l`occasion d`un échange approfondi sur la situation en Côte d`Ivoire et les différents aspects de la crise que connaît ce pays.
8. A l`issue de cette réunion, l`Equipe d`experts a publié le communiqué ci-joint (Annexe III). Dans ce communiqué, l`Equipe a indiqué qu`elle entreprendrait la visite envisagée à Abidjan du 6 au 10 février 2011, pour des consultations avec les parties prenantes, afin d`élaborer le rapport à soumettre au Groupe de haut niveau lors de sa réunion prévue à Nouakchott. L`Equipe d`experts a saisi l`occasion de sa réunion pour réitérer l`appel lancé par le Groupe de haut niveau à toutes les parties ivoiriennes pour qu`elles fassent preuve de la plus grande retenue, s`abstiennent de toute action pouvant compliquer davantage la situation et apportent leur entière coopération aux efforts visant à résoudre rapidement la crise.

(a) Visite de l`Equipe d`experts à Abidjan
9. L`Equipe d`experts est arrivée à Abidjan le 6 février 2011, où elle est restée jusqu`au 10 février. Au cours de son séjour, l`Equipe a rencontré les différentes parties prenantes ivoiriennes, ainsi que d`autres acteurs, y compris des représentants de la société civile, du secteur privé, des autorités religieuses, des chefferies traditionnelles, de la communauté diplomatique à Abidjan et de l`Opération des Nations unies en Côte d`Ivoire (ONUCI). Les discussions avec les différentes parties prenantes ivoiriennes et autres parties concernées ont porté sur tous les aspects de la crise, en particulier: le contexte pré-électoral et l`évaluation d`ensemble du processus de paix; l`élection; l`environnement sécuritaire pendant la période postélectorale; la situation humanitaire et socio-économique; les campagnes médiatiques; le blocus de l`Hôtel du Golf; et les propositions de sortie de crise (Annexe IV).
10. Les positions des parties telles qu`exprimées lors de la visite de l`Equipe d`experts peuvent être résumées comme suit:
(I) Contexte pré-électoral et évaluation d`ensemble du processus de paix
11. Les deux camps font des évaluations opposées du contexte pré-électoral et, d`une façon plus générale, du processus de paix. Pour le Rassemblement des Houphouétistes pour la Démocratie et la Paix (RHDP), le processus de sortie de crise engagé par les différents accords a connu des avancées significatives, permettant ainsi de créer des conditions favorables au bon déroulement de l`élection. Pour La Majorité présidentielle (LMP), en revanche, les conditions d`une élection démocratique n`étaient pas réunies, en raison, notamment, de l`inachèvement du désarmement et de la non-réunification du pays.

(II) Election
12. Tous les acteurs concernés reconnaissent que le premier tour du scrutin s`est déroulé dans des conditions satisfaisantes. Le déroulement du second tour de l`élection présidentielle fait cependant l`objet de lectures diamétralement opposées.
13. Sur le déroulement du vote le 28 novembre: Pour la LMP, le déroulement du second tour dans les zones Centre - Nord - Ouest (CNO) relève de la simple mascarade, eu égard aux nombreuses irrégularités qui l`ont entaché, notamment les empêchements de vote, la violence contre les représentants LMP, les bourrages d`urnes et les manipulations des résultats. Le RHDP, pour sa part, s`inscrit en faux contre ces affirmations, et souligne que le scrutin s`est déroulé dans de bonnes conditions, malgré les incidents enregistrés dans certaines zones, y compris celles sous contrôle du camp de M. Laurent Gbagbo. Quant aux autres acteurs, en particulier l`ONUCI, la plupart des organisations de la société civile nationale et le corps diplomatique accrédité en Côte d`Ivoire, ils reconnaissent tous que le second tour de l`élection présidentielle s`est déroulé dans des conditions satisfaisantes, malgré quelques insuffisances.
14. Sur la proclamation des résultats: La LMP affirme que la CEl n`a pu proclamer les résultats dans le délai de 3 jours prévu par le Code électoral et que, de ce fait, elle était forclose; elle estime que la proclamation a été faite hors cadre et hors norme. D`ailleurs, selon les représentants de la LMP, ces résultats n`ont été ni consolidés, ni validés par la CEl. En conséquence, ils sont nuls et de nul effet, car n`ayant aucun caractère officiel. Le RHDP indique que la CEl a travaillé dans des conditions très difficiles, eu égard au couvre feu, aux entraves à la publication des résultats par les partisans de M. Gbagbo au sein de la CEl et à la présence obstructive des Forces de défense et de sécurité (FOS) au sein des locaux de la CEL Il précise que le Gode électoral ne donne pas de délai pour la proclamation des résultats, mais un délai pour la transmission des procès verbaux au Conseil constitutionnel. Aussi considèrent-ils que le Conseil constitutionnel n`avait pas de base légale pour déclarer la CEl forclose.
15. Sur la proclamation des résultats définitifs par le Conseil constitutionnel: Le Conseil constitutionnel a affirmé qu`il a agi dans le cadre de la légalité. D`après lui, la CEl n`ayant pas transmis les résultats provisoires dans le délai de trois jours prescrit par l`article 59 du Code électoral, il lui revenait de prendre les choses en main, suivant l`interprétation que le Conseil constitutionnel fait de cet article. Il a, en outre, expliqué l`annulation du vote dans certains départements du Nord par l`existence d`un précédent tiré de l`élection présidentielle de 1995. Il a justifié l`annulation du scrutin dans un département n`ayant pas fait l`objet de requête de la part du candidat Gbagbo par son pouvoir d`auto-saisine.
16. Le Président de la CEl a souligné que les chiffres sur lesquels le Président du Conseil constitutionnel a fondé la proclamation des résultats sont les mêmes que ceux annoncés par la CEl, ce qui est la preuve que les chiffres qu`il a annoncés sont authentiques. Pour lui, le Président du Conseil constitutionnel a simplement procédé à un "redressement", après avoir annulé les votes dans 7 centres de coordination représentant 13 départements et non 7 comme annoncé. Il n`a fait qu`inverser les résultats provisoires proclamés par la CEl au profit de M. Gbagbo. Dans sa certification, le Représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies a indiqué que.la décision du Conseil constitutionnel ne correspondait pas aux faits.
17. Sur la certification: Pour la LMP, la certification du second tour de l`élection est illégale, parce que le Représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies a agi en violation de son mandat et de la Constitution ivoirienne. Le RHDP, pour sa part, affirme que la certification résulte des Accords de sortie de crise conclus par les parties ivoiriennes, notamment l`Accord de Pretoria de juin 2005, ainsi que de la résolution 1765(2007), incorporés dans le droit national ivoirien. L`ONUCI, quant à elle, rappelle que les parties ivoiriennes elles-mêmes sont à l`origine du mandat de certification des Nations unies à travers les deux Accords de Pretoria. Elle souligne qu`elle a suivi un processus de certification uniforme pour les deux tours et que M. Gbagbo a choisi de l`accepter pour le 1er tour, dont il est sorti vainqueur, et non pour le 2éme tour qu`il a perdu.

(III) Environnement sécuritaire de la période postélectorale

18. Depuis la fin du second tour, la situation sur le terrain a connu une dégradation préoccupante, avec la multiplication des actes de violence, y compris contre la population civile, et les actes d`obstruction croissants auxquels est confrontée l`ONUCI. L`ONUCI a fait état de nombreuses personnes tuées, de plusieurs personnes illégalement arrêtées et détenues, de cas de disparitions et de viol dans les zones contrôlées les Forces de Défense et de Sécurité, ainsi que d`allégations sur l`existence de charniers. Elle a estimé que l`essentiel des violences contre les populations est intervenu dans les zones contrôlées par les FDS, tout en relevant l`existence d`actes de violence dans les zones sous contrôle des Forces armées des Forces nouvelles (FAFN), notamment à l`Ouest. Le RHDP attribue ces actes aux partisans de M. Gbagbo, tandis que ceux-ci estiment que les violations des droits de l`homme sont plutôt commises dans les zones CNO.

(IV) Situation humanitaire et socio-économique
19. Du fait de l`insécurité et de la tension ambiante, la situation humanitaire a connu une dégradation marquée notamment par un flux de réfugiés ivoiriens vers le Liberia et la Guinée, le déplacement forcé de milliers de personnes à l`intérieur de la Côte d`Ivoire et la fuite de populations étrangères. La situation économique, déjà difficile, s`est très sérieusement détériorée, et l`existence de deux Gouvernements a considérablement compliqué la tâche du secteur privé qui souligne l`aggravation de la situation du fait des sanctions imposées à la Côte d`Ivoire.

(V) Campagnes médiatiques
20. Plusieurs ONG rencontrées ont dénoncé ce qu`elles ont qualifié de message de haine propagés par la Radio diffusion Télévision Ivoirienne (RTl). Pour leur part, les partisans de la LMP dénoncent les entraves mises par les FN à la diffusion des médias d`Etat dans les zones CNO, ainsi que les unités de radio télévision créés illégalement par les FN.

(VI) Blocus de l`Hôtel du Golf
21. Le RHDP appelle à la levée immédiate du blocus de l`Hôtel du Golf, conformément à l`appel du Conseil. La LMP s`oppose à cette levée, considérant que des éléments lourdement armés des FN ont investi l`Hôtel du Golf. Le Commandant de la Force de l`ONUCI indique qu`il ya entre 100 et 200 éléments lourdement armés des FAFN dans l`enceinte de l`hôtel.

(VII) Propositions de sortie de crise
22. Pour le RHDP, M. Ouattara a gagné l`élection présidentielle et donc est le Président légitime de Côte d`Ivoire. Par conséquent, la solution réside dans l`acceptation des résultats de l`élection par M. Gbagbo. Pour la LMP, qui a souligné la nécessité de recompter les voix, M. Gbagbo a gagné l`élection présidentielle et est, en conséquence, le Président légitime de Côte d`Ivoire. La communauté internationale doit, par conséquent, reconnaître ce fait et lever toutes les mesures prises contre des personnalités et des entités ivoiriennes. D`autres parties prenantes ivoiriennes proposent, notamment, un compromis entre les acteurs concernés, le respect des résultats proclamés par la CEl, une sortie honorable pour M. Gbagbo, la création d`un Haut Conseil de la République, le désarmement des ex-rebelles, la restructuration de la CEl et du Conseil constitutionnel, ainsi que la création d`une Commission indépendante "Vérité, Justice et Réconciliation».

c. Activités subséquentes du Groupe de haut niveau
a) Deuxième réunion du Groupe de haut niveau et visite à Abidjan
23. Le Groupe de haut niveau a tenu sa deuxième réunion à Nouakchott, le 20 février 2011. Tous les membres du Groupe ont participé à cette réunion, au cours de laquelle le Groupe a examiné le rapport de l`Equipe d`experts qui avait entrepris une mission à Abidjan du 6 au 10 février 2011. Dans le prolongement de cette réunion, le Groupe a effectué une visite à Abidjan du 21 au 22 février 2011. En raison de la dégradation de la situation sécuritaire en Côte d`Ivoire et des menaces proférées à l`encontre d`un membre du Groupe de haut niveau, le Président Blaise Compaoré, celui-ci n`a pu se rendre à Abidjan. Lors de son séjour à Abidjan, le Groupe a rencontré tes parties ivoiriennes représentées au plus haut niveau, ainsi que le Président et les membres du Conseil constitutionnel et le Représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies, Chef de l`ONUCI.

(I) Rencontres avec
MM. Gbagbo et Ouattara
24. Au cours de la réunion avec M. Gbagbo, ce dernier a articulé dans les détails sa position telle qu`elle avait été exprimée lors de la rencontre avec l`Equipe d`experts. En substance, il a souligné que les conditions qui ont prévalu lors du deuxième tour n`ont pas permis le déroulement du scrutin dans la transparence. Il a soutenu que la CEl n`était pas parvenue à un consensus sur la marche à suivre et que les résultats provisoires proclamés par son Président l`avaient été en dehors des normes qui gouvernent le fonctionnement de cette institution. Il a contesté la certification telle qu`opérée par le Représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies, y voyant une atteinte à la souveraineté de son pays et une remise en cause des prérogatives du Conseil constitutionnel, seule institution investie du pouvoir de proclamer les résultats définitifs du scrutin et dont les décisions ne peuvent faire l`objet de recours.
25. Pour sa part, M. Ouattara, accompagné de son Premier Ministre, Guillaume Soro, a rappelé tous les efforts entrepris pour la tenue du scrutin présidentiel en vue de sortir la Côte d`Ivoire de la crise qu`elle connaît. Il a souligné que, de l`avis même du camp de M. Gbagbo, toutes les conditions étaient réunies pour la tenue du scrutin, ainsi qu`en témoignent la signature par le Président de la République du décret convoquant le corps électoral et l`acceptation de la liste électorale définitive. En fait, a-t-il ajouté, M. Gbagbo n`a commencé à changer d`avis qu`à partir du moment où il a pris connaissance des premières tendances des résultats du second tour. Il a rappelé que les Préfets et responsables des éléments des FDSCI déployés au Nord ont confirmé que les conditions sécuritaires, le jour du scrutin, étaient convenables. Au reste, l`ONUCI, qui a quadrillé l`ensemble du territoire ivoirien le jour du scrutin, a relevé que l`écrasante majorité des incidents répertoriés sont intervenus dans la partie contrôlée par M. Gbagbo. Le Conseil constitutionnel, qui n`a pas le pouvoir d`annuler partiellement le scrutin, a pris une décision politique et non juridique. Les arguments mis en avant par cette institution sont fallacieux. Le Conseil constitutionnel n`a fait que reprendre les mêmes chiffres que ceux de la CEl, et annuler les résultats dans plusieurs départements du nord de façon à inverser les résultats définitifs de l`élection.

(II) Rencontre avec le Représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies
26. Lors de la rencontre avec le Représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies, chef de l`ONUCI, ce dernier est revenu dans le détail sur la question de la certification telle qu`elle ressort de la résolution 1765 (2007) du 16 juillet 2007 du Conseil de sécurité des Nations unies. Il a, à cet égard, souligné que les parties ivoiriennes, elles-mêmes, y compris M: Gbagbo, sont à l`origine du mandat de certification des Nations unies à travers les deux Accords de Pretoria qu`elles ont signés, respectivement, le 6 avril et le 29 juin 2005. Et c`est en consultation avec toutes les parties ivoiriennes, ainsi qu`avec les autres acteurs concernés, y compris le Conseil de sécurité des Nations unies et le Facilitateur, qu`il a développé le cadre, les critères et les différentes étapes de la certification. Il a indiqué que c`est sur la base de ces éléments qu`il a procédé, le 12 novembre 2010, à la certification du premier tour de l`élection présidentielle tenu le 31 octobre 2010, à la satisfaction de tous, y compris le candidat Gbagbo, arrivé en tête de ce premier tour. S`agissant du second tour, le Représentant spécial a souligné qu`il reconduit le même dispositif pour l`observation et la certification, notamment l`analyse des tendances à la fermeture des bureaux de votes et celle de l`ensemble des 20.073 procès verbaux des 9 régions de Côte d`Ivoire. Sur cette base, il était clair, dès le 30 novembre, que M. Ouattara avait gagné l`élection avec un écart de 8%. Pour le Représentant spécial, il ne fait aucun que les résultats proclamés, le 2 décembre 2010, par la CEl reflètent le vote des Ivoiriens, malgré les différents incidents répertoriés sur l`ensemble du territoire, lesquels ne sont pas de .nature à entacher la sincérité du scrutin et en à modifier le résultat. S`agissant des incidents enregistrés le jour du scrutin, le Représentant spécial a souligné qu`ils sont à 90% intervenus dans les zones favorables au Président sortant, qui sont les seules où il y a eu des pertes en vies humaines.
27. Il a conclu en affirmant que, sur la base de sa propre analyse indépendante, objective et approfondie des 20.073 procès verbaux des bureaux de vote qu`il a reçus en même temps que la CEl, le Conseil constitutionnel, le Facilitateur et les candidats, la certification qu`il a prononcée le 3 décembre reflète bien le vote du peuple ivoirien. Pour le Représentant spécial, les résultats définitifs proclamés, le 3 décembre 2010, par le Conseil constitutionnel ne correspondent pas aux faits. Il a souligné que, dans sa compilation des résultats, il a pris en compte l`ensemble des réclamations du candidat Gbagbo. Le Conseil constitutionnel est allé au-delà de ces réclamations pour annuler des résultats dans des départements qui n`avaient fait l`objet d`aucune contestation de la part de M. Gbagbo.
28. A la question de savoir quels résultats a-t-il exactement certifiés, le Représentant spécial a précisé qu`il n`a certifié ni ceux de la CEl, ni ceux du Conseil constitutionnel, mais plutôt le vote des Ivoiriens, sur la base des mêmes procès verbaux que la CEl et le Conseil constitutionnel. Par conséquent, ce n`est que pure coïncidence si les résultats auxquels il est parvenu sont les mêmes que ceux de la CEl.
29. S`agissant des procès verbaux non signés par les représentants du candidat Gbagbo, il a indiqué qu`ils ne représentent que 10% de l`ensemble des procès verbaux, soit environ 2 000 sur 20073, correspondant à 60.000 voix. Encore que, a-t-il tenu à préciser, d`après le Code électoral ivoirien, seules les signatures du Président et des assesseurs des bureaux de vote sont obligatoires sur les procès verbaux. Il a réaffirmé que, sur la base des rapports des observateurs déployés par les Nations unies et de toutes les informations reçues d`autres sources et recoupées, les violences dont a excipé le Conseil constitutionnel pour annuler près de 570.000 votes dans le Nord du pays ont été plutôt observées dans la zone contrôlée par le camp de M. Gbagbo.

(IV) Rencontre avec le Président et les membres du Conseil constitutionnel de Côte d`Ivoire
30. Dans son exposé liminaire au Groupe de haut niveau, le Président du Conseil constitutionnel, accompagné de l`ensemble des membres de cette institution, a affirmé que sa juridiction, qui est le juge des élections, a agi dans le cadre de la légalité. D`après lui, la CEl n`ayant pas transmis les résultats provisoires dans le délai de trois jours qui lui est imparti, selon son interprétation de l`article 59 du Code électoral, il revenait au Conseil constitutionnel de prendre les choses en main. Il a indiqué avoir été en contact constant avec le Président de la CEl pour examiner avec celui-ci la marche à suivre à la suite de l`incapacité de la Commission à s`entendre sur les cinq régions objet de divergences, ainsi qu`avec le Représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies. La CEl, a-t-il ajouté, avait la possibilité de solliciter une extension de 48 heures du délai à elle imparti. Mais à sa grande surprise, et alors qu`il attendait un coup de fil de M. Bakayoko, il a vu ce dernier annoncer les résultats à partir de l`hôtel du Golf. Dés lors, il n`avait d`autre choix que d`user de la procédure d`auto-saisine et de déclarer nuls et de nul effet les résultats proclamés par la CEI. Ainsi, a-t-il conclu, le 3 décembre, sur la base des 20.073 procès verbaux, des rapports sur le déroulement du scrutin et des réclamations formulées par le candidat Laurent Gbagbo, le Conseil constitutionnel a proclamé. Les résultats définitifs de l`élection présidentielle du 28 novembre 2010, donnant la victoire à ce dernier, qui a prêté serment le 4 décembre.
31. Le Groupe de haut niveau a estimé crucial d`interagir de manière soutenue avec le Conseil constitutionnel, en tant qu`organe ayant le dernier mot sur les questions électorales. Aussi le Groupe a-t-il sollicité nombre de clarifications. Il a commencé par demander quelle est la nature juridique des résultats proclamés par la CEI. En réponse, le Président du Conseil constitutionnel a indiqué que ces résultats ne sont que provisoires et doivent être confirmés par le Conseil constitutionnel, qui est seul habilité à prononcer les résultats définitifs et à désigner le vainqueur de l`élection.
32. A la question de savoir pourquoi le Conseil constitutionnel a procédé seulement à une annulation partielle du scrutin portant sur près de 13,10% des suffrages exprimés, alors que l`article 64, qui s`applique en l`espèce, prévoit l`annulation de l`ensemble du vote et la tenue d`une nouvelle élection, le Président du Conseil constitutionnel a répondu qu`il existe un précédent d`annulation partielle tiré de l`élection présidentielle de 1995. Il a justifié la décision du Conseil constitutionnel d`annuler le vote dans des départements qui n`avaient pas fait l`objet de contestation de la part du candidat Gbagbo par le pouvoir du Conseil constitutionnel, une fois des réclamations introduites, de statuer sur tous les cas éventuels d`irrégularités par une procédure d`auto-saisine. Sur l`organisation de nouvelles élections telle que prescrite par l`article 64, il a répondu que les irrégularités n`ayant porté que sur 13,10%, il n`était pas nécessaire d`envisager une telle perspective. Un nouveau scrutin serait, selon lui, organisé si les irrégularités concernaient 30 à 40% des votes. Sur cette question, un membre du Groupe lui a fait remarquer que pourtant l`annulation de 13,10 des voix par le Conseil constitutionnel a eu l`impact décisif de changer complètement le résultat du scrutin
33. Le Président du Conseil constitutionnel, en réponse à une question du Groupe sur la nature des violences et autres incidents qui l`ont conduit à annuler le vote dans des départements du Nord ivoirien, a indiqué avoir reçu des témoignages de viol et autres exactions contre des femmes soutenant La Majorité présidentielle. Un membre du Groupe lui a demandé comment des cas de viol peuvent intervenir dans un lieu public aussi fréquenté qu`un bureau de vote le jour du scrutin. Revenant sur les annulations de vote, le Groupe a demandé au Président du Conseil constitutionnel qui aurait été le vainqueur de l`élection si le vote n`avait pas été annulé dans sept départements du Nord. Sur ces deux questions, le Groupe n`a pas reçu de réponse formelle. Le Groupe a également demandé au Conseil constitutionnel de lire le contenu de l`article 59 du Code électoral. En réponse à cette requête, un membre du Conseil d`abord donné l`interprétation que le Conseil a fait de cet article, qui, il est vrai, a-t-il dit, prescrit expressément un délai de trois jours à la CEl pour transmettre les procès verbaux, sans pour autant prévoir un délai spécifique pour la proclamation des résultats provisoires. Un membre du Groupe a tenu à demander au Président et aux membres du Conseil constitutionnel s`ils avaient bien mesuré la gravité de leur décision qui est la cause des désordres et de la crise actuelle dans laquelle se débat la Côte d`Ivoire.
34. A la question de savoir quelles sont les pistes de sortie de crise que "le Conseil constitutionnel pourrait proposer, le Président du Conseil constitutionnel a souligné la nécessité, pour les Africains, de respecter les institutions qu`ils se sont données. Il a, enfin, renouvelé au Groupe sa disponibilité à apporter sa contribution au règlement de la crise (Annexe V).

b) Troisième réunion du Groupe de haut niveau
35. Il convient de rappeler que, lors de leur séjour à Abidjan, les membres du Groupe de haut niveau ont également mené des consultations relatives à la poursuite de leurs travaux, en particulier en ce qui concerne la formulation de propositions de sortie de crise, conformément à leur mandat. Dans ce contexte, ils ont décidé de tenir leur prochaine réunion à Nouakchott.
36. C`est ainsi que le Groupe de haut niveau a tenu sa troisième réunion à Nouakchott, le 4 mars 2011. Tous les membres du Groupe ont pris part à cette réunion. Le Groupe a procédé à une évaluation approfondie de la situation en Côte d`Ivoire sur la base des interactions qu`il a notamment eues avec Leurs Excellences MM. Laurent Gbagbo et Alassane Dramane Ouattara, lors de la visite qu`il a effectuée à Abidjan, ainsi que des développements intervenus depuis cette date.
37. Le Groupe de haut niveau a noté avec une vive préoccupation l`évolution dramatique de la situation en Côte d`Ivoire, en particulier le nombre croissant de pertes en vies humaines, ainsi que l`escalade de l`esprit de confrontation. Il a réitéré l`appel pressant de l`UA aux parties ivoiriennes pour qu`elles fassent preuve de la plus grande retenue, s`abstiennent de tous actes et mesures de nature à saper les efforts en cours, y compris des campagnes médiatiques incitant à la haine et à la violence. Le Groupe a également demandé l`arrêt immédiat des tueries et exactions provoquant des pertes en vies humaines, ainsi que de manifestations, marches populaires et autres activités susceptibles de dégénérer en troubles et en violence. Il a instamment appelé les parties à la cessation de toutes formes d`hostilités, ainsi qu`à la levée du blocus imposé à l`hôtel du Golf.
38. Le Groupe a décidé de tenir sa prochaine réunion dans les meilleurs délais, aux fins de parachever l`accomplissement du mandat qui lui a été confié par le Conseil. Le Groupe a invité à cette réunion Leurs Excellences Alassane Dramane Ouattara et Laurent Gbagbo, ainsi que le Président du Conseil constitutionnel de Côte d`Ivoire. Le Groupe a également pris attache avec le Président de la République fédérale du Nigéria, qui assure la présidence du Conseil pour le mois de mars 2011, en vue de la tenue, immédiatement après sa quatrième réunion, d`un sommet de cet organe au cours duquel il présentera un rapport sur ses activités et les résultats auxquels il sera parvenu (Annexe VI).
39. Conformément aux conclusions de la troisième réunion du Groupe, le Président de la Commission s`est rendu à Abidjan, porteur d`un message du Groupe à Leurs Excellences Laurent Gbagbo et Alassane Dramane Ouattara, ainsi qu`au Président du Conseil constitutionnel. En particulier, le Président de la Commission les a informés de l`invitation qui leur est fait~ d`interagir avec le Groupe à l`occasion de sa quatrième réunion et de participer à la réunion du Conseil, pour articuler leurs positions et perspectives quant au règlement de la crise que connaît " leur pays, notamment à la lumière des propositions de sortie de crise qui seront formulées par le Groupe.

e) Quatrième réunion du Groupe de haut niveau
40. Le Groupe a tenu sa quatrième réunion à Addis-Abeba les 9 et 10 mars 2011.
IV. OBSERVATIONS ET RECOMMANDATIONS
41. Au regard des informations qui précèdent, le Groupe de haut niveau formule les observations et recommandations suivantes:
(a) Le Groupe souligne l`urgence d`une solution rapide à la crise, pour éviter un conflit généralisé aux conséquences incalculables pour la Côte d`Ivoire, les autres pays de la région et le continent dans son ensemble.
(b) Le Groupe est conscient que l`UA et la CEDEAO, ainsi que de nombreux acteurs internationaux, y compris les Nations unies, ont déjà reconnu la victoire de M. Alassane Ouattara. Il note que les différentes missions d`observation internationales et nationales, ainsi que l`ONUCI, ont jugé que la plupart des incidents relevés le jour du vote ont eu lieu non seulement dans des départements du Nord et du Centre, mais aussi et surtout dans la zone Ouest contrôlée par les partisans de M. Gbagbo. Le Groupe note que la certification opérée par les Nations unies est intervenue dans le cadre des engagements pris par les parties ivoiriennes, et s`est fondée sur les procès verbaux transmis à la CEl, au Conseil constitutionnel, au Facilitateur et au Représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies. En outre, les résultats auxquels le Représentant spécial est parvenu sur la base de ses propres méthodes coïncident avec ceux de la CEl. (c) Le Groupe constate que la composition partisane et les dysfonctionnements de la CEl et du Conseil constitutionnel ont constitué la source des difficultés rencontrées lors de la proclamation des résultats. En particulier, le Groupe a trouvé les arguments présentés par le Conseil constitutionnel problématiques: d`une part, il est clair que le Conseil constitutionnel a agi au-delà de ses pouvoirs en annulant partiellement le scrutin au lieu de procéder à une annulation totale et ordonner l`organisation d`un nouveau scrutin, comme le prescrit le Code électoral l`argument selon lequel « qui peut le plus peut le moins » ne semble pas approprié au cas d`espèce; de l`autre, il est troublant que le Conseil constitutionnel ait annulé près de 600 000 voix, juste assez pour inverser les résultats, tout en soutenant que les incidents intervenus n`étaient pas de nature à affecter la sincérité du scrutin. Ces observations s`ajoutent au fait que la plupart des incidents intervenus ont plutôt été relevés dans la partie sous contrôle du camp de M. Gbagbo et que le Conseil constitutionnel n`a fait usage de son pouvoir d`auto-saisine que dans les zones favorables à M. Ouattara. Le Groupe est d`avis que la décision du Conseil constitutionnel n`a pas été prise avec toutes les précautions que requiert la situation fragile de la Côte d`Ivoire.
(d) Le Groupe constate aussi que le processus de paix a certes, enregistré des avancées remarquables, mais que d`importants aspects de l`Accord politique de Ouagadougou (APO) et de ses Accords complémentaires restent à mettre en œuvre. Leur mise en œuvre est cruciale pour la stabilité future de la Côte d`Ivoire et la création des conditions requises pour le bon déroulement des élections à venir.
(e) Le Groupe observe que la crise actuelle ne peut être réglée sur la seule base d`une application mécanique de la règle majoritaire. D`autant que la situation est tendue sur le terrain et les positions très polarisées.
42. A la lumière de ce qui précède, le Groupe estime qu`il importe de travailler à une solution politique négociée, qui puisse concilier la démocratie et la paix, pour proposer une formule globale s`attaquant à la crise postélectorale, sur la base des décisions déjà prises `par l`UA et. la CEDEAO, et à la mise en œuvre des aspects restants du processus de paix. Elle devra également comprendre une série de mesures destinées à promouvoir la confiance et à faciliter l`apaisement et la réconciliation dans une société divisée par plus d`une décennie de crise, d`instrumentalisation de la question identitaire et d`exacerbation des peurs et des passions. En outre et indépendamment des considérations émanant du processus électoral, le Groupe note que M. Gbagbo a eu le privilège de présider aux destinées de la Côte d`Ivoire pendant une décennie, période qui correspond au demeurant à deux mandats successifs de cinq ans chacun et constitue le maximum prévu par la Constitution ivoirienne; à ce titre il a apporté la contribution qu`il a pu à la promotion de la paix et de la réconciliation dans son pays. Dans ce contexte, le Groupe estime naturel que le processus de sortie de crise puisse être consolidé par la mise en place d`un Gouvernement d`union nationale nommé par le Président Alassane Dramane Ouattara.
43. Cette solution est articulée dans le projet de propositions ci-joint pour une solution politique d`ensemble à la crise en Côte d`Ivoire qui, de l`avis du Groupe, offre une base viable pour un règlement politique prenant en compte les préoccupations des parties et les réalités objectives de la situation sur le terrain (Annexe VII). Cette solution s`inscrit résolument dans le cadre des décisions pertinentes de l`UA et de la CEDEAO sur la Côte d`Ivoire. Le Groupe recommande en conséquence au Conseil d`entériner ce projet de propositions en cinq points s`articulant autour: (i) de la présidence de la République; (ii) de la mise en place d`un Gouvernement d`union et de réconciliation nationale; (iii) de la mise en œuvre des aspects pendants de l`Accord politique de Ouagadougou et d`autres réformes connexes; (iv) de mesures d`apaisement et de confiance; et (v) de l`accompagnement et de l`appui de l`UA, de la CEDEAO et de la communauté internationale. Le Groupe recommande également au Conseil d`exhorter les parties ivoiriennes à accepter ces propositions et de demander à la communauté internationale de soutenir leur mise en œuvre. Le Conseil devrait envisager des mesures spécifiques, y compris des sanctions, à l`encontre de tous ceux qui rejetteraient ces propositions et feraient obstacle à leur mise en œuvre. La situation en Côte d`Ivoire est telle que l`Afrique doit mettre tout son poids dans la balance pour faciliter un règlement politique.
44. En conclusion, le Groupe voudrait exprimer ses sincères remerciements au Conseil et à la Conférence de l`Union pour la confiance placée en ses membres. Ses remerciements vont aux parties ivoiriennes et à l`ensemble des autres acteurs concernés, ainsi qu`aux différents partenaires de l`UA, pour leur disponibilité. Le Groupe s`est efforcé de s`acquitter de son mandat dans la plus grande objectivité et avec la conviction que l`Afrique ne peut ne pas répondre à l`ardente aspiration du peuple ivoirien à la démocratie et à la paix dans l`unité et la réconciliation nationales.

mercredi 9 mars 2011

Quelle souveraineté défendre en Côte d’Ivoire ?

Dans la cohue des slogans, des écrits, des revendications, des manifestations, des déclarations politiques qui se bousculent actuellement en Côte d’Ivoire, le mot souveraineté revient incessamment. Le problème ivoirien ne serait plus figé entre deux hommes, Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara, il se situerait au niveau des pressions extérieures exercées par la dite « communauté internationale ».

On ne peut certes nier les interférences externes qui ont contribué à la détérioration et à l’enracinement des positions radicales entre les deux camps adverses. Cependant, cette souveraineté fragile, voire inexistante face au reste du monde et singulièrement face à l’ancienne puissance coloniale n’est pas un fait nouveau dans le pays et aucun leader politique ivoirien ne s’y est vraiment attaqué depuis les indépendances. Alors même que le président Gbagbo se présentait dans ses discours comme un fervent défenseur de la souveraineté de son pays, dans ses actes, il n’en a rien été.

La souveraineté enflamme et mobilise sans pourtant être analysée dans sa globalité. En effet, l’article 31 de la constitution ivoirienne dit que « La souveraineté appartient au peuple. Aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice. » Le peuple c’est l’ensemble des individus qui s’engagent librement à construire une nation avec des droits égaux et des responsabilités égales pour tous. Les droits et les responsabilités constituent le réseau d’interactions sociales qui rendent chaque individu souverain au moment où il entre en société. Le peuple est souverain mais ce sont les individus qui exercent cette souveraineté. Cette souveraineté interne qui place l’individu au centre du pouvoir est, quant à elle, totalement occultée. En Afrique, l’État décide et les populations se soumettent. Si l’État décide mal, il place les responsabilités à l’extérieur en occultant les fragilités internes. Ce n’est pas de sa faute puisqu’il est soumis à des pressions étrangères. Il suscite alors de la compassion de la part de ses populations qui, ainsi, acceptent mieux leur propre soumission. Qu’en est-il de la souveraineté des Ivoiriens à l’épreuve de la crise ?

Une population ivoirienne totalement étranglée
D’évidence, cette souveraineté qui était pratiquement inexistante avant les derniers conflits électoraux a été réduite à néant. Alors que les dirigeants devraient avoir le souci du bien être de leurs populations dont ils ne sont que les serviteurs, ils cautionnent et organisent un environnement pratiquement insupportable qui rend le quotidien infernal.

Sans être exhaustif, on constate que les banques sont fermées ; les assurances ne fonctionnent plus ; les chèques ne sont plus acceptés dans le pays ; les liquidités manquent ; le gaz domestique est difficile à trouver et les files d’attente s’allongent devant les stations services dans l’espoir d’une hypothétique livraison ; une pénurie de carburant se profile. À Abidjan, comme dans la zone contrôlée par les Forces Nouvelles, des barrages multiples jonchent les rues, contraignant les habitants soit à rester chez eux, soit à affronter l’arrogance de ces « gendarmes » improvisés qui freinent les déplacements ; les gens sont assassinés et violentés par toutes les forces en présence y compris l’Organisation des Nations unies en Côte d’Ivoire. Ces violences semblent dangereusement glisser dans le quotidien, le seul problème semble de savoir comment manipuler l’information pour imputer ces exactions à un camp ou à l’autre, de manière à influencer le monde et surtout le panel de médiateurs africains qui parcourt le monde pour concocter une proposition de sortie de crise. Les entreprises ferment, le chômage technique croît de manière inquiétante, les commerçants des quartiers les plus touchés par les confrontations de rue sont pillés, le petit commerce informel, poumon économique des « petits » est entravé par les menaces et les violences. L’esprit d’entreprise est réduit à néant, l’économie est à genoux, la vie intellectuelle étouffée.

Ces scènes chaotiques ne sensibilisent nullement les politiciens qui, figés dans leurs orgueils quasi psychiatriques, attendent que la mission de médiation de l’Union africaine leur dicte une solution qui a toutes les chances d’être rejetée et contestée lorsqu’elle sera rendue publique. D’évidence, les deux camps savent que sans entente sur une solution de partage du pouvoir, le pays sera ingouvernable car la moitié de la population n’est pas prête à accepter Alassane Ouattara à la présidence et l’autre moitié refusera Laurent Gbagbo à ce poste suprême. Un camp ne peut rien faire sans l’autre et pourtant on attend en comptant les morts.

Quelle souveraineté en Côte d’Ivoire ?
Face à cette indifférence atterrante, il est important de ne pas se laisser emporter dans les artifices d’une communication qui tente de centraliser le problème vers l’unique responsabilité de la communauté internationale. Elle existe certes mais n’occultons pas d’analyser le principal nœud qui étrangle le pays et anéantit la souveraineté du peuple ivoirien : un État bicéphale défaillant prêt à étrangler son peuple pour justifier sa résistance à des causes fabriquées et narcissiques. Quel est l’intérêt d’être souverain face à des puissances externes si vous êtes capturés dans « les geôles » de votre propre pays ? L’urgence, pour les populations ivoiriennes, est de se libérer d’abord des excès d’un État fort et totalement irresponsable. Les intellectuels et la société civile dans son ensemble devraient dans l’immédiat focaliser leur action autour de la revendication d’un partage du pouvoir pour mettre fin aux tueries et libérer le peuple de Côte d’Ivoire. Après cette étape, l’urgence serait de réclamer au plus vite un cadre institutionnel décentralisant le pouvoir, favorisant l’initiative privée et protégeant les droits de propriété et les libertés individuelles pour que les populations puissent reprendre en main leur propre vie et leur souveraineté.

C’est à travers ces mesures libérales que l’État de Côte d’Ivoire pourrait progresser et gagner la crédibilité qui lui permettrait de s’imposer sur l’échiquier international pour conquérir sa souveraineté face au reste du monde. Ce n’est pas dans le chaos que l’on peut s’imposer. Quand on a créé le désordre, on se met soi-même en situation de faiblesse. Une position souveraine se construit à travers une vision politique, ça ne s’improvise pas dans l’urgence. La Côte d’Ivoire a trop longtemps été gouvernée sans vision. Les conséquences sont cruelles mais non irréversibles si les dirigeants cessent de naviguer à vue et prennent enfin la mesure de leur responsabilité face à leurs populations.
Gisèle Dutheuil, analyste d’Audace Institut Afrique.

samedi 5 mars 2011

A quand la fin de la crise ivoirienne ?

Depuis la tentative de coup d’Etat du 19 septembre 2002 muée en rébellion qui a divisé le pays en deux zones, la Côte d’Ivoire est entrée dans une longue période de turbulence et d’incertitude. Je ne connais pas de crise, peut-être excepté la crise israélo-palestienne, qui ait fait l’objet de plusieurs accords et usé autant de médiateurs. Tous ces médiateurs sont venus se casser les dents sur le rocher de méfiance et de mauvaise foi des acteurs politiques ivoiriens.

L’accord politique de Ouagadougou (Apo) ou dialogue direct, capitale du Burkina-Faso, signé en 2007 sur l’initiative de Gbagbo Laurent avec la rébellion sur l’égide de Blaise Comparoré comme facilitateur avait donné de l’espoir aux ivoiriens, malgré le scepticisme de certains. Cet accord, brandit par Gbagbo Laurent comme exemple de résolution de crise en Afrique, était censé entamer un processus de sortie de crise par l’élection présidentielle dans un délais de 10 mois. Après plusieurs péripéties, l’élection présidentielle fut organisée le 31 Octobre 2010 et le 28 Novembre 2010. Cette élection qui devait mettre fin à la crise politico-militaire, a produit malheureusement l’effet contraire. La crise post-électorale qui s’est installée suite à la double proclamation contraire du résultat de la même élection présidentielle par la Cei certifié par l’Onuci proclamant Alassane vainqueur avec 54 % et par le Conseil constitutionnel proclamant Gbagbo Laurent vainqueur avec 51 %, fait courir à la Côte d’Ivoire un risque réel de guerre civile. Dans chaque camp, c’est la veillée d’arme ; on affine les stratégies en entendant le moment opportun de mettre l’ennemie chaos. Un commando dit « mystérieux » harcèle depuis plusieurs semaines les Fds à Abobo et Anyama, deux quartiers pro-Alassane d’Abidjan, la capitale économique de la Côte d’Ivoire, entraînant l’exode massif des populations vers d’autres destinations. Dans ces deux quartiers sous couvre feu depuis environ deux mois, des exactions ont été commises sur la population par les Fds. D’un côté les Fds et ceux qui sont suspectés être proche du camp Gbagbo sont égorgés, de l’autre côté ceux qui sont considérés comme des rebelles ou proche du camp Ouattara sont braisés. Des mosquées et des livres saints (coran) ont été incendiés à Yopougon, un quartier pro-Gbagbo sans que, pour le moment la communauté musulmane, considérée favorable à Alassane, ne réagisse. Répondant à l’appel de leur Général Blé Goudé, les jeunes patriotes ont érigé des barrages illégaux dans différents quartiers d’Abidjan (surtout favorables à Gbagbo Laurent) où des individus sont enlevés et braisés. Tous les jours il y a des tueries. Le comble de la folie du pouvoir, les Fds fidèles à Gbagbo Laurent ont tiré sur des femmes du Rhdp qui manifestaient à Abobo tuant six d’entre elles. Ainsi, tous les ingrédients d’une rwandalisation ou somalisation de la Côte d’Ivoire sont réunis.

Face à ce tableau alarmant et inquiétant, la communauté internationale reste impuissante à prendre toutes ses responsabilités pour éviter une tragédie humanitaire en Côte d’Ivoire. L’union africaine qui a dessaisi la CEDEAO, qui a eu le courage de prendre une position claire (qu’on approuve ou non), du dossier ivoirien, a mis en place un panel de cinq Chefs d’Etat pour évaluer la situation post-électorale et prendre des décisions contraignantes pour les deux parties au plus tard le 28 février 2011, après l’échec successif de leurs précédents envoyés (Tabou M’Béki, Jean Ping et le Premier Ministre kényan). Malheureusement pour les ivoiriens, ce panel est plombé par la lutte pour le leadership entre le Nigeria et l’Afrique du Sud en Afrique subsaharienne. L’Afrique du Sud et le Nigeria étant en compétition pour un éventuel poste permanent de l’Afrique au conseil de sécurité de l’ONU. Ce qui a amené le conseil de paix et de sécurité de l’Union Africaine à donner un délai supplémentaire d’un mois a ce panel afin qu’il puisse surmonter ses divergences et prendre des décisions contraignantes sur la base de la reconnaissante d’Alassane comme vainqueur de la présidentielle du 28 Novembre 2011. Mais de quel moyen dispose l’Union africaine pour contraindre les deux camps à accepter ces fameuses décisions que le panel de cinq Chefs d’Etat africains doit prendre.

« La politique, c’est la saine appréciation des réalités du moment », aimait dire Houphouet Boigny. Cette saine appréciation des réalités de la très longue crise que vit la Côte d’Ivoire depuis le coup d’Etat du 24 décembre 2009 fonde ma conviction en ce que ni Bédié, ni Gbagbo, ni Alassane ne peuvent apporter une paix durable et définitive à la Côte d’Ivoire. Aussi la plupart des pays Africains ont adopté des constitutions qui font des Présidents des monarques constitutionnels sans contre pouvoir. Le Président de la République concentre entre ses mains tous les pouvoirs (politique, économique, judiciaire et social). Ce qui fait que être Président de la République devient une question de vie ou de mort. Pour rompre avec ce système et instaurer une vie démocratique apaisée, je propose pour sortir définitivement de cette crise une transition de trois ans dirigée par un présidium composé de trois personnalités consensuelles et politiquement « vierge » ; la désignation d’un Premier Ministre politiquement « vierge » et la formation d’un gouvernement de technocrates d’au plus vingt membres ; la suspension de la constitution ; la mise en place d’une assemblée constituante de cent personnalités représentant les régions et la société civile qui devra rédiger une nouvelle constitution instaurant un régime semi-présidentiel avec de véritables contre-pouvoirs et qui fera office d’Assemblée nationale pendant les trois ans de transition ; la reformulation de la Cei et la mise en place d’un nouveau Conseil constitutionnel. Le gouvernement de transition aura pour principales missions le désarmement et la réunification du pays, la mise en place d’une armée républicaine, la réconciliation nationale, la relance de l’économie, la lutte contre la corruption et le racket et l’organisation du référendum constitutionnel, des élections législatives et de l’élection présidentielle. Les protagonistes à cette crise militaro-politique et post-électorale, ainsi que les membres du présidium et du gouvernement de transition ne pourront être candidat à aucune de ces deux élections (législatives et présidentielle).