Le rôle des policiers selon Gbagbo Laurent

Vous êtes des policiers, vous n’êtes pas des juges... Moi, mon père était militaire et après policier, donc je connais le rôle des policiers…Vos ennemis, ce sont tous ceux qui sont contre la République.Tous ceux qui veulent installer la chienlit, le désordre. Tous ceux qui veulent troubler les élections. Battez-vous contre le désordre, contre la chienlit… Ne réfléchissez pas, ce sont les juges qui réfléchissent. Vous êtes des combattants du respect de l’ordre public. S’il y a des dégâts, les juges rétabliront tout. La République se construit avec les Forces de l’ordre, avec les forces de combat… Moi, j’ai les bras de la République. Quand le moment arrive pour que je lance mes bras, je les lance.
Matez tous ceux qui sèment le désordre et après on réfléchira … Matez, matez, tous ceux qui sont contre la République... Moi, mon père était militaire et après policier, donc je connais le rôle des policiers…Votre rôle n’est pas de réfléchir comme les juges. Ce sont les commissaires qui réfléchissent à votre place… Vous, votre rôle, c’est de mater, de mater…Le policier ne doit pas réfléchir… Il doit taper et s’il y a des erreurs, s’il y a des problèmes nous allons arranger…

Gbagbo Laurent, Chef de l'Etat ivoirien, à l'occasion de l'installation de la CRS 3 à Divo le vendredi 27 Août 2010


lundi 3 novembre 2008

Venance Konan : "Laurent Gbagbo ne veut pas d’élection présidentielle" - Interview du journaliste et écrivain ivoirien

Le
de Autre presse 
Laurent Gbagbo était en visite à Tafiré et Niakara dans le département de Katiola, le Mercredi 15 septembre 2008.
Afrik.com - Le Conseil de sécurité des Nations unies a reconduit ce mercredi, pour un an, ses sanctions contre la Côte d’Ivoire en attendant la tenue des élections présidentielles. Initialement prévues pour le 30 novembre, elles risquent de ne se tenir qu’au premier trimestre 2009. L’écrivain et journaliste ivoirien Venance Konan, coauteur d’un livre intitulé Scénarios pour la Côte d’Ivoire sur les solutions possibles à une sortie de crise en Côte d’Ivoire, donne son point de vue sur la situation.

Venance Konan, journaliste et écrivain ivoirien, a été plusieurs fois lauréats du prix littéraire ivoirien Ebony. Auteur de trois livres : Les prisonniers de la haine (best seller publié en 2003), Robert et les Catapila (2005), Nègreries (2007), il a récemment été classé parmi les 50 personnalités ivoiriennes par l’hebdomadaire panafricain Jeune Afrique. Venance Konan est également membre d’un forum composé de plusieurs personnalités ivoiriennes, qui propose dans un livre intitulé les Scénarios pour la Côte d’Ivoire et publié en 2005, quatre schémas de sortie de crise.

Afrik.com : L’Onu vient de reconduire ses sanctions contre la Côte d’Ivoire jusqu’à la tenue d’une élection présidentielle. Trouvez-vous cette décision pertinente ?

Venance Konan : Tant qu’on n’a pas trouvé une solution à la crise, il vaut mieux ne pas donner des armes aux belligérants. Aujourd’hui, on est en train de nous faire croire que Guillaume Soro (l’actuel Premier ministre ivoirien et secrétaire général de l’ex-rébellion des Forces Nouvelles, ndlr) et le président ivoirien Laurent Gbagbo sont de grands amis, que Charles Blé Goudé (le leader des Jeunes patriotes, mouvement proche du parti au pouvoir, ndlr) et Guillaume Soro s’entendent bien, mais personne n’est dupe ! J’ai peur que le pire ne soit devant nous. Je ne crois pas du tout en cette paix annoncée. Pour moi, c’est une paix factice. Le fait est qu’aujourd’hui les ex-rebelles, comme on les appelle, sont toujours armés et occupent toujours le Nord. Les milices qui sévissent à l’ouest du pays et à Abidjan sont toujours présentes. Je les ai vues dans un quartier qui s’appelle Willamsville, à Abidjan, faire leur footing au petit matin. Et ce n’est le seul quartier où on peut les voir. C’est une réalité que nous vivons tous les jours. Nous sommes dans une fausse paix dans laquelle chaque partie attend de voir qui baissera la garde le premier. Les problèmes de fond qui nous ont conduits dans cette crise restent toujours présents, notamment le problème d’"ivoirité".

Afrik.com : Est-ce que la tenue de l’élection présidentielle réglerait ces problèmes dont vous parlez ?

Venance Konan : L’élection ne constitue pas forcément la fin de la crise. Tant qu’on n’aura pas résolu les problèmes de fond qui nous ont menés à cette crise, on aura rien réglé en allant à l’élection présidentielle. Je fais partie d’un groupe de personnes dont Jean-Louis Billon et le président de la Ligue ivoirienne des droits de l’Homme. Nous avons proposé, en 2005, dans un livre intitulé Scénarios pour la Cote d’Ivoire, quatre schémas possibles de sortie de crise. Pour nous, le meilleur scénario était qu’on se donne le temps d’une transition un peu plus longue qui permettrait de régler tous ces problèmes de fonds, notamment celui de l’identité, de la nationaité. Il y a des gens, qui sont nés en Côte d’Ivoire de parents immigrés, à qui on la refuse la nationalité, ça pose aussi un problème dans le cadre de l’identification des populations en vue des élections. Le désarmement, les problèmes fonciers et constitutionnels comptent également parmi les questions auxquelles il faut trouver des réponses. Tout le monde est d’accord pour dire que cette Constitution mal faite est en partie à l’origine de la crise politique que nous traversons. Personne ne nous a écouté mais nous ne désespérons pas.

Afrik.com : L’élection présidentielle, initialement prévue pour 2005, a été maintes fois reportée. Aujourd’hui, la date du 30 novembre prévue par l’accord de Ouagadougou semble elle aussi compromise. On parle désormais du premier trimestre 2009. Comment expliquez-vous cette situation ?

Venance Konan : Dans nos propositions en 2005, nous parlions d’un scénario que nous avons appelé la fuite en avant. Nous y sommes. C’est-à-dire qu’on ne règle rien, mais on essaie de gagner du temps, chacun se croit plus intelligent que l’autre et le pays est en train de couler. Parmi les éléments qui me permettent de dire que le pire est devant nous, il y a la violence qui s’institutionnalise en Côte d’Ivoire. Si vous avez suivi l’actualité de ces derniers jours, il y a une rumeur d’enlèvements d’enfants. Ce n’est que la partie émergée de l’iceberg. Aujourd’hui, il est dangereux d’être sur les routes à partir de 18 heures. Des "coupeurs de route", des brigands, sont partout, dès la tombée de la nuit. A Abidjan, les bandits agissent impunément, notre police est complètement pourrie, la corruption gangrène toute la société… Tout cela me fait croire que le pire est devant nous.

Afrik.com : Ce report d’élections n’étonne donc personne en Côte d’Ivoire ?

Venance Konan : Tout le monde savait depuis longtemps que cette élection n’aurait pas lieu. Les gens ne veulent pas d’élection. Ne nous faisons pas d’illusion. Ni M. Gbagbo ni M. Soro ne veulent de l’élection. Gbagbo ne veut pas d’élection d’abord parce qu’il n’a pas d’opposition devant lui pour le contraindre à la faire ! Il a gagné un an, deux ans, trois ans, pourquoi voulez vous qu’il s’arrête en si bon chemin ? On dit qu’il n’est pas président de la République, seulement chef d’Etat, mais en attendant, il jouit de tous les pouvoirs. L’Assemblée Nationale ne siège même plus, Laurent Gbagbo est tout puissant ! Selon La Lettre du Continent, le budget de souveraineté de Gbagbo est monté à 71 milliards de francs CFA, avec cet argent, il fait ce qu’il veut ! Comment voulez vous qu’il organise des élections qu’il peut perdre ? Je pense que si on organise des elections claires et transparentes, Monsieur Gbagbo n’a pas beaucoup de chance de gagner !

Afrik.com : A quoi peut on s’attendre si la présidentielle continue d’être reportée ?

Venance Konan : On va vers le chaos ! En 2005, on nous a dit qu’il fallait attendre 2006 pour voter, les gens ont crié mais nous avons attendu. 2006 on nous dit que ce sera en 2007, ensuite l’élection a été reportée à 2008. Nous avons encore attendu. Et là, on va la reporter en 2009 c’est clair ! Et ça risque de continuer. Mais un jour, on tombera dans le chaos parce que la population n’en peut plus. La situation économique est difficile. Le président de l’assemblée nationale, Mamadou Coulibaly a dit que 70% des Ivoiriens n’arrivent pas à prendre plus d’un repas par jour et on le voit ! Des bidonvilles poussent partout, des enfants ne vont plus à l’école parce que les parents n’ont plus d’argent. On avait annoncé récemment que le cacao allait être acheté à 700 F CFA le kilo, aujourd’hui c’est à peine 200 francs que le paysan touche. Beaucoup s’abstiennent désormais de vendre leur cacao. Aujourd’hui ils n’ont plus un sou ! Un jour ça va exploser.

Afrik.com : Que doit-on faire pour en finir avec la crise en Côte d’Ivoire ?

Venance Konan : Nous proposons qu’on mette en place une vraie transition consensuelle pour résoudre les problèmes afin qu’on puisse aller aux élections tranquillement. Personne ne veut nous écouter parce qu’il y a des gens qui ont le pouvoir et qui ne veulent pas le lâcher. Un jour, quelqu’un va sortir de l’armée ou d’ailleurs et va jouer au fou comme cela s’est passé dans d’autres pays de la sous région. Si nous ne nous asseyons pas pour parler franchement, c’est ce qui risque d’arriver. Nous avons demandé une sorte de conférence nationale pour que les Ivoiriens se parlent et se disent la vérité. Mais personne ne veut nous écouter.

Afrik.com : Quel doit être, selon vous, le rôle de la communauté internationale dans la résolution de cette crise ?

Venance Konan : On aurait bien voulu que la communauté internationale s’implique davantage dans la crise ivoirienne. Mais nous ne devons pas nous faire d’illusion non plus ! Ce n’est pas à elle de régler nos problèmes, on le voit au Congo et ailleurs. Si la solution peut venir de l’extérieur c’est tant mieux ! Cependant, je n’y crois pas.

par Stéphane Ballong

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