Le rôle des policiers selon Gbagbo Laurent
Vous êtes des policiers, vous n’êtes pas des juges... Moi, mon père était militaire et après policier, donc je connais le rôle des policiers…Vos ennemis, ce sont tous ceux qui sont contre la République.Tous ceux qui veulent installer la chienlit, le désordre. Tous ceux qui veulent troubler les élections. Battez-vous contre le désordre, contre la chienlit… Ne réfléchissez pas, ce sont les juges qui réfléchissent. Vous êtes des combattants du respect de l’ordre public. S’il y a des dégâts, les juges rétabliront tout. La République se construit avec les Forces de l’ordre, avec les forces de combat… Moi, j’ai les bras de la République. Quand le moment arrive pour que je lance mes bras, je les lance.
Matez tous ceux qui sèment le désordre et après on réfléchira … Matez, matez, tous ceux qui sont contre la République... Moi, mon père était militaire et après policier, donc je connais le rôle des policiers…Votre rôle n’est pas de réfléchir comme les juges. Ce sont les commissaires qui réfléchissent à votre place… Vous, votre rôle, c’est de mater, de mater…Le policier ne doit pas réfléchir… Il doit taper et s’il y a des erreurs, s’il y a des problèmes nous allons arranger…
Gbagbo Laurent, Chef de l'Etat ivoirien, à l'occasion de l'installation de la CRS 3 à Divo le vendredi 27 Août 2010
mercredi 9 mars 2011
Quelle souveraineté défendre en Côte d’Ivoire ?
Dans la cohue des slogans, des écrits, des revendications, des manifestations, des déclarations politiques qui se bousculent actuellement en Côte d’Ivoire, le mot souveraineté revient incessamment. Le problème ivoirien ne serait plus figé entre deux hommes, Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara, il se situerait au niveau des pressions extérieures exercées par la dite « communauté internationale ».
On ne peut certes nier les interférences externes qui ont contribué à la détérioration et à l’enracinement des positions radicales entre les deux camps adverses. Cependant, cette souveraineté fragile, voire inexistante face au reste du monde et singulièrement face à l’ancienne puissance coloniale n’est pas un fait nouveau dans le pays et aucun leader politique ivoirien ne s’y est vraiment attaqué depuis les indépendances. Alors même que le président Gbagbo se présentait dans ses discours comme un fervent défenseur de la souveraineté de son pays, dans ses actes, il n’en a rien été.
La souveraineté enflamme et mobilise sans pourtant être analysée dans sa globalité. En effet, l’article 31 de la constitution ivoirienne dit que « La souveraineté appartient au peuple. Aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice. » Le peuple c’est l’ensemble des individus qui s’engagent librement à construire une nation avec des droits égaux et des responsabilités égales pour tous. Les droits et les responsabilités constituent le réseau d’interactions sociales qui rendent chaque individu souverain au moment où il entre en société. Le peuple est souverain mais ce sont les individus qui exercent cette souveraineté. Cette souveraineté interne qui place l’individu au centre du pouvoir est, quant à elle, totalement occultée. En Afrique, l’État décide et les populations se soumettent. Si l’État décide mal, il place les responsabilités à l’extérieur en occultant les fragilités internes. Ce n’est pas de sa faute puisqu’il est soumis à des pressions étrangères. Il suscite alors de la compassion de la part de ses populations qui, ainsi, acceptent mieux leur propre soumission. Qu’en est-il de la souveraineté des Ivoiriens à l’épreuve de la crise ?
Une population ivoirienne totalement étranglée
D’évidence, cette souveraineté qui était pratiquement inexistante avant les derniers conflits électoraux a été réduite à néant. Alors que les dirigeants devraient avoir le souci du bien être de leurs populations dont ils ne sont que les serviteurs, ils cautionnent et organisent un environnement pratiquement insupportable qui rend le quotidien infernal.
Sans être exhaustif, on constate que les banques sont fermées ; les assurances ne fonctionnent plus ; les chèques ne sont plus acceptés dans le pays ; les liquidités manquent ; le gaz domestique est difficile à trouver et les files d’attente s’allongent devant les stations services dans l’espoir d’une hypothétique livraison ; une pénurie de carburant se profile. À Abidjan, comme dans la zone contrôlée par les Forces Nouvelles, des barrages multiples jonchent les rues, contraignant les habitants soit à rester chez eux, soit à affronter l’arrogance de ces « gendarmes » improvisés qui freinent les déplacements ; les gens sont assassinés et violentés par toutes les forces en présence y compris l’Organisation des Nations unies en Côte d’Ivoire. Ces violences semblent dangereusement glisser dans le quotidien, le seul problème semble de savoir comment manipuler l’information pour imputer ces exactions à un camp ou à l’autre, de manière à influencer le monde et surtout le panel de médiateurs africains qui parcourt le monde pour concocter une proposition de sortie de crise. Les entreprises ferment, le chômage technique croît de manière inquiétante, les commerçants des quartiers les plus touchés par les confrontations de rue sont pillés, le petit commerce informel, poumon économique des « petits » est entravé par les menaces et les violences. L’esprit d’entreprise est réduit à néant, l’économie est à genoux, la vie intellectuelle étouffée.
Ces scènes chaotiques ne sensibilisent nullement les politiciens qui, figés dans leurs orgueils quasi psychiatriques, attendent que la mission de médiation de l’Union africaine leur dicte une solution qui a toutes les chances d’être rejetée et contestée lorsqu’elle sera rendue publique. D’évidence, les deux camps savent que sans entente sur une solution de partage du pouvoir, le pays sera ingouvernable car la moitié de la population n’est pas prête à accepter Alassane Ouattara à la présidence et l’autre moitié refusera Laurent Gbagbo à ce poste suprême. Un camp ne peut rien faire sans l’autre et pourtant on attend en comptant les morts.
Quelle souveraineté en Côte d’Ivoire ?
Face à cette indifférence atterrante, il est important de ne pas se laisser emporter dans les artifices d’une communication qui tente de centraliser le problème vers l’unique responsabilité de la communauté internationale. Elle existe certes mais n’occultons pas d’analyser le principal nœud qui étrangle le pays et anéantit la souveraineté du peuple ivoirien : un État bicéphale défaillant prêt à étrangler son peuple pour justifier sa résistance à des causes fabriquées et narcissiques. Quel est l’intérêt d’être souverain face à des puissances externes si vous êtes capturés dans « les geôles » de votre propre pays ? L’urgence, pour les populations ivoiriennes, est de se libérer d’abord des excès d’un État fort et totalement irresponsable. Les intellectuels et la société civile dans son ensemble devraient dans l’immédiat focaliser leur action autour de la revendication d’un partage du pouvoir pour mettre fin aux tueries et libérer le peuple de Côte d’Ivoire. Après cette étape, l’urgence serait de réclamer au plus vite un cadre institutionnel décentralisant le pouvoir, favorisant l’initiative privée et protégeant les droits de propriété et les libertés individuelles pour que les populations puissent reprendre en main leur propre vie et leur souveraineté.
C’est à travers ces mesures libérales que l’État de Côte d’Ivoire pourrait progresser et gagner la crédibilité qui lui permettrait de s’imposer sur l’échiquier international pour conquérir sa souveraineté face au reste du monde. Ce n’est pas dans le chaos que l’on peut s’imposer. Quand on a créé le désordre, on se met soi-même en situation de faiblesse. Une position souveraine se construit à travers une vision politique, ça ne s’improvise pas dans l’urgence. La Côte d’Ivoire a trop longtemps été gouvernée sans vision. Les conséquences sont cruelles mais non irréversibles si les dirigeants cessent de naviguer à vue et prennent enfin la mesure de leur responsabilité face à leurs populations.
Gisèle Dutheuil, analyste d’Audace Institut Afrique.
On ne peut certes nier les interférences externes qui ont contribué à la détérioration et à l’enracinement des positions radicales entre les deux camps adverses. Cependant, cette souveraineté fragile, voire inexistante face au reste du monde et singulièrement face à l’ancienne puissance coloniale n’est pas un fait nouveau dans le pays et aucun leader politique ivoirien ne s’y est vraiment attaqué depuis les indépendances. Alors même que le président Gbagbo se présentait dans ses discours comme un fervent défenseur de la souveraineté de son pays, dans ses actes, il n’en a rien été.
La souveraineté enflamme et mobilise sans pourtant être analysée dans sa globalité. En effet, l’article 31 de la constitution ivoirienne dit que « La souveraineté appartient au peuple. Aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice. » Le peuple c’est l’ensemble des individus qui s’engagent librement à construire une nation avec des droits égaux et des responsabilités égales pour tous. Les droits et les responsabilités constituent le réseau d’interactions sociales qui rendent chaque individu souverain au moment où il entre en société. Le peuple est souverain mais ce sont les individus qui exercent cette souveraineté. Cette souveraineté interne qui place l’individu au centre du pouvoir est, quant à elle, totalement occultée. En Afrique, l’État décide et les populations se soumettent. Si l’État décide mal, il place les responsabilités à l’extérieur en occultant les fragilités internes. Ce n’est pas de sa faute puisqu’il est soumis à des pressions étrangères. Il suscite alors de la compassion de la part de ses populations qui, ainsi, acceptent mieux leur propre soumission. Qu’en est-il de la souveraineté des Ivoiriens à l’épreuve de la crise ?
Une population ivoirienne totalement étranglée
D’évidence, cette souveraineté qui était pratiquement inexistante avant les derniers conflits électoraux a été réduite à néant. Alors que les dirigeants devraient avoir le souci du bien être de leurs populations dont ils ne sont que les serviteurs, ils cautionnent et organisent un environnement pratiquement insupportable qui rend le quotidien infernal.
Sans être exhaustif, on constate que les banques sont fermées ; les assurances ne fonctionnent plus ; les chèques ne sont plus acceptés dans le pays ; les liquidités manquent ; le gaz domestique est difficile à trouver et les files d’attente s’allongent devant les stations services dans l’espoir d’une hypothétique livraison ; une pénurie de carburant se profile. À Abidjan, comme dans la zone contrôlée par les Forces Nouvelles, des barrages multiples jonchent les rues, contraignant les habitants soit à rester chez eux, soit à affronter l’arrogance de ces « gendarmes » improvisés qui freinent les déplacements ; les gens sont assassinés et violentés par toutes les forces en présence y compris l’Organisation des Nations unies en Côte d’Ivoire. Ces violences semblent dangereusement glisser dans le quotidien, le seul problème semble de savoir comment manipuler l’information pour imputer ces exactions à un camp ou à l’autre, de manière à influencer le monde et surtout le panel de médiateurs africains qui parcourt le monde pour concocter une proposition de sortie de crise. Les entreprises ferment, le chômage technique croît de manière inquiétante, les commerçants des quartiers les plus touchés par les confrontations de rue sont pillés, le petit commerce informel, poumon économique des « petits » est entravé par les menaces et les violences. L’esprit d’entreprise est réduit à néant, l’économie est à genoux, la vie intellectuelle étouffée.
Ces scènes chaotiques ne sensibilisent nullement les politiciens qui, figés dans leurs orgueils quasi psychiatriques, attendent que la mission de médiation de l’Union africaine leur dicte une solution qui a toutes les chances d’être rejetée et contestée lorsqu’elle sera rendue publique. D’évidence, les deux camps savent que sans entente sur une solution de partage du pouvoir, le pays sera ingouvernable car la moitié de la population n’est pas prête à accepter Alassane Ouattara à la présidence et l’autre moitié refusera Laurent Gbagbo à ce poste suprême. Un camp ne peut rien faire sans l’autre et pourtant on attend en comptant les morts.
Quelle souveraineté en Côte d’Ivoire ?
Face à cette indifférence atterrante, il est important de ne pas se laisser emporter dans les artifices d’une communication qui tente de centraliser le problème vers l’unique responsabilité de la communauté internationale. Elle existe certes mais n’occultons pas d’analyser le principal nœud qui étrangle le pays et anéantit la souveraineté du peuple ivoirien : un État bicéphale défaillant prêt à étrangler son peuple pour justifier sa résistance à des causes fabriquées et narcissiques. Quel est l’intérêt d’être souverain face à des puissances externes si vous êtes capturés dans « les geôles » de votre propre pays ? L’urgence, pour les populations ivoiriennes, est de se libérer d’abord des excès d’un État fort et totalement irresponsable. Les intellectuels et la société civile dans son ensemble devraient dans l’immédiat focaliser leur action autour de la revendication d’un partage du pouvoir pour mettre fin aux tueries et libérer le peuple de Côte d’Ivoire. Après cette étape, l’urgence serait de réclamer au plus vite un cadre institutionnel décentralisant le pouvoir, favorisant l’initiative privée et protégeant les droits de propriété et les libertés individuelles pour que les populations puissent reprendre en main leur propre vie et leur souveraineté.
C’est à travers ces mesures libérales que l’État de Côte d’Ivoire pourrait progresser et gagner la crédibilité qui lui permettrait de s’imposer sur l’échiquier international pour conquérir sa souveraineté face au reste du monde. Ce n’est pas dans le chaos que l’on peut s’imposer. Quand on a créé le désordre, on se met soi-même en situation de faiblesse. Une position souveraine se construit à travers une vision politique, ça ne s’improvise pas dans l’urgence. La Côte d’Ivoire a trop longtemps été gouvernée sans vision. Les conséquences sont cruelles mais non irréversibles si les dirigeants cessent de naviguer à vue et prennent enfin la mesure de leur responsabilité face à leurs populations.
Gisèle Dutheuil, analyste d’Audace Institut Afrique.
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