Le rôle des policiers selon Gbagbo Laurent

Vous êtes des policiers, vous n’êtes pas des juges... Moi, mon père était militaire et après policier, donc je connais le rôle des policiers…Vos ennemis, ce sont tous ceux qui sont contre la République.Tous ceux qui veulent installer la chienlit, le désordre. Tous ceux qui veulent troubler les élections. Battez-vous contre le désordre, contre la chienlit… Ne réfléchissez pas, ce sont les juges qui réfléchissent. Vous êtes des combattants du respect de l’ordre public. S’il y a des dégâts, les juges rétabliront tout. La République se construit avec les Forces de l’ordre, avec les forces de combat… Moi, j’ai les bras de la République. Quand le moment arrive pour que je lance mes bras, je les lance.
Matez tous ceux qui sèment le désordre et après on réfléchira … Matez, matez, tous ceux qui sont contre la République... Moi, mon père était militaire et après policier, donc je connais le rôle des policiers…Votre rôle n’est pas de réfléchir comme les juges. Ce sont les commissaires qui réfléchissent à votre place… Vous, votre rôle, c’est de mater, de mater…Le policier ne doit pas réfléchir… Il doit taper et s’il y a des erreurs, s’il y a des problèmes nous allons arranger…

Gbagbo Laurent, Chef de l'Etat ivoirien, à l'occasion de l'installation de la CRS 3 à Divo le vendredi 27 Août 2010


lundi 31 janvier 2011

Crise post-électorale : ce que je crois

Environ deux mois que la crise post-électorale s’éternise. Pourtant, l’élection présidentielle était censée sortir la Côte d’Ivoire de la crise politico-militaire née de la tentative de coup d’Etat de septembre 2002 muée en rébellion.

Le dernier accord signé sur l’initiative de Gbagbo Laurent, l’APO avec comme facilitateur Blaise Compaoré, Président du Burkina-Faso, et ses quatre accords complémentaires étaient sensé sortir la Côte d’Ivoire de la crise par une élection présidentielle transparente, démocratique et ouverte à tous dans un délai de dix mois. Finalement, il a fallu trois ans pour que la présidentielle soit organisée. Chaque étape du processus électorale a connu sont lot de contestations, surtout par le camp de Gbagbo, et de violence. Les différentes étapes ont tout de même fait l’objet d’une validation par les protagonistes et de la certification de l’ONUCI (les audiences foraines, l’enrôlement, la liste électorale…) ouvrant ainsi la voie à la tenue effective de la présidentielle après plusieurs reports.

Le premier tour de la présidentielle s’est déroulé sans que les rebelles aient désarmé. Le vote a été jugé transparent et démocratique dans l’ensemble, malgré quelques imperfections et incidents par tous les candidats, ainsi que les observateurs internationaux et nationaux. Seul le candidat du PDCI a émis des réserves. Les résultats provisoires ont été proclamés par la CEI après trois jours sans que le Conseil constitutionnel ne prononce sa forclusion. La certification de l’ONUCI qui a suivi la proclamation définitive des résultats par le Conseil constitutionnel n’a posé aucun problème au camp de Gbagbo puisque leur candidat est arrivé en tête.

Le second tour de la présidentielle entre le candidat de Lmp et le candidat du Rhdp s’est déroulé dans les mêmes conditions que le premier tour avec des améliorations organisationnelles par rapports aux imperfections constatées lors du premier tour. Je me rappelle que recevant les observateurs internationaux et nationaux, le Président de la Cei avait demandé avec insistance le renforcement de l’observation dans la zone Cno et dans l’ouest de la Côte d’Ivoire. Au cours de la nuit électorale organisée par les médias d’Etat (télévision et radio) qui avaient envoyé des reporters dans la zone Cno, leurs différents comptes-rendus n’ont jamais fait cas de fraudes massives, ni de violences graves de nature à entacher la crédibilité et la sincérité du vote. De même, les observateurs internationaux, dans leurs rapports préliminaires (UA, La francophonie, UE, le centre Carter, NDI …) ont jugé l’élection transparente, crédible et démocratique malgré quelques incidents relevés ça et là. Il en est de même des rapports préliminaires des préfets de cette zone faits le lendemain du vote. Ces rapports ont été publiés dans la presse après l’arrêt du Conseil constitutionnel proclamant Gbagbo Laurent vainqueur après avoir annulé le vote dans sept départements du centre et du nord (zone Cno) au motif de fraudes massives et de violences graves contre les militants de Lmp.

Le sage a dit qu’on ne peut pas cacher le soleil par la main. Malheureusement, c’est ce que le clan Gbagbo fait par le biais de la Rti qui distille à longueur de journée ses mensonges et sa propagande. On entend qu’un seul son de cloche comme si tous les ivoiriens pensaient la même chose. Vive le règne de la pensée unique. On se croirait en Corée du nord. Par définition, un média d’Etat appartient à l’ensemble des ivoiriens et doit refléter l’opinion, la culture de la société ivoirienne dans sa diversité. De quoi le clan Gbagbo a-t-il peur ? Si comme Blé Goudé le clame dans ses meetings, la vérité est du côté de son maître Gbagbo, alors pourquoi avoir embrigadé la Rti ? Pourquoi les ivoiriens, les simples citoyens qui ne pensent pas comme eux sont interdits d’antenne ? Pourquoi la Rti a-t-elle peur d’organiser des débats contradictoires sur la crise post-électorale ? La Rti est devenue pire qu’autan du parti unique.

Depuis que Yao Paul N’Dré, le Président du Conseil constitutionnel a pris la malheureuse décision de ne pas dire le droit en offrant la Présidence de la République à son ami Gbagbo sur un plateau d’or comme au temps jadis, Hérode offrit la tête de Jean-Baptiste à la fille d’Hérodias qu’il convoitait( Hérodias était la femme de Philippe, frère d’Hérode), le clan Gbagbo a pris les ivoiriens en otage et a érigé le mensonge, la propagande et la manipulation comme stratégie de confiscation du pouvoir au mépris du résultat des urnes. Cette attitude de Yao Paul N’Dré pose la problématique du rôle du Conseil constitutionnel en matière électorale. J’ai entendu sur Rfi le Président angolais, un soutien de Gbagbo, déclarer : « La Côte d’Ivoire n’a pas de Président élu, elle a un Président constitutionnel… ». Quel sens donné à cette phrase ? En démocratie, le détenteur exclusif du pouvoir est le peuple. C’est donc le peuple, dans l’expression de sa pleine et entière souveraineté, qui confère son pouvoir pour un temps limité à celui qu’il aura jugé digne et capable de satisfaire ses aspirations profondes en glissant son bulletin de vote dans l’urne au travers d’élection transparente et démocratique. Le résultat sorti des urnes a, de ce fait, un caractère sacré - puisque c’est la volonté du peuple souverain - et devrait s’imposer à tous. Le rôle du Conseil constitutionnel en matière électorale devrait donc se limiter soit à confirmer le résultat des urnes soit a annuler l’élection si les conditions de son déroulement, sur la base d’éléments objectifs, sont jugés non démocratiques par lui comme le stipule le code électoral dans l’esprit et dans la lettre, et non se substituer au peuple souverain en proclamant un autre président en contradiction avec la volonté populaire (Vox populi, vox Dei). Si Yao Paul N’Dré avait eu le courage et l’esprit d’indépendance et de neutralité qu’exige sa fonction, il serait rentré dans l’histoire par la grande porte et la Côte d’Ivoire aurait fait l’économie de cette crise inutile et absurde.

Si nous jetons un coup d’œil dans le rétroviseur pour analyser les faits et gestes du clan Gbagbo depuis le début de ce long processus électoral, financé par la communauté internationale à des dizaines de milliards de francs cfa (on avance le chiffre de 200 milliards), faisant de cette élection présidentielle la plus chère au monde, ainsi que son discours tenu lors de sa campagne avec des slogans du genre « On gagne ou on gagne », « y a rien en face, c’est maïs » et des déclarations du genre « Je ne laisserai jamais l’étranger dirigé ce pays » (nous savons tous que Gbagbo considère ADO et Bédié comme les candidats de la France), je viens à la conclusion que Gbagbo n’était pas psychologiquement prêt à accepter une éventuelle défaite électorale. Les évangélistes de Gbagbo et certain de ses nombreux conseillers qui disent avoir des visions divines ont fini par le convaincre que Dieu lui a confié une mission de libération et de délivrance de l’Afrique. Simone Gbagbo, son épouse, l’a suffisamment répété lors de son meeting organisé le samedi 15 janvier 2011 au palais de la culture. Selon elle, la libération et la délivrance de l’Afrique a commencé par Côte d’Ivoire. Gbagbo sait que, dans cette crise post-électorale née de sa seule volonté de se maintenir au pouvoir à tout prix, il aura les soutiens d’intellectuels africains, voire européen, de certains Chefs d’Etat africains et d’une bonne parti de la jeunesse, s’il se présente comme le défenseur de l’indépendance, de la souveraineté, des intérêts des nations africaines ; comme celui qui tient tête aux grandes puissances et qui ne se plie pas à leur diktat. Tous ceux qui connaissent Gbagbo savent qu’il est socialiste non pratiquant, nationaliste non pratiquant et démocrate non pratiquant. Tout ce qui l’intéresse, c’est le pouvoir, rien que le pouvoir. Faire glisser la crise post-électorale sur ce terrain là est un faut débat. Ce n’est pas de cela qu’il est question.


De quoi s’agit-il ? Il y a eu une élection présidentielle ; comme toute élection, il y a un perdant et un vainqueur. On demande tout simplement au perdant qui usurpe le pouvoir de reconnaître la victoire de son adversaire et de le lui transmettre comme cela se passe dans toute démocratie. Le Conseil constitutionnel n’est pas un faiseur de roi comme veut le faire croire le clan Gbagbo. Si tel est le cas, ce n’est plus la démocratie mais la dictature car en démocratie le pouvoir est conféré par le peuple à travers son bulletin de vote qu’il glisse dans l’urne. Un régime dictatorial se caractérise par la pensée unique, la propagande, la manipulation et le mensonge. Tous les jours le clan Gbagbo et son instrument de propagande qu’est devenue la Rti ne font que nous servir des mensonges.
Venons en à certains de ces mensonges savamment distillé en interne et en externe :
1) Les fraudes massives en terme de bourrage d’urne qui a eu pour conséquence d’avoir plus de votants que d’inscrits dans plusieurs bureaux de vote. Celui qui ne connaît pas le déroulement du vote en Côte d’ivoire peut avaler cette couleuvre. Dans le passé les Fds votaient avant le reste des électeurs pour la simple raison qu’ils devaient assurer la sécurité des électeurs et du vote. Pour cette élection de sorti de crise, les acteurs politiques ont décidé qu’il n’y ait pas de vote anticipé. Conséquence de cette décision, les Fds et tous ceux qui interviennent dans l’organisation de l’élection ont été considérés comme du personnel d’astreinte. Ce personnel pouvait donc voter dans n’importe quel bureau de vote sur présentation de son autorisation et de sa carte d’électeur. Donc mathématiquement, il est possible d’avoir plus de votants dans un bureau de vote que d’inscrits sans que cela soit la preuve manifeste de tricherie. Aussi nulle part dans l’arrêt du Conseil constitutionnel, il n’a été fait cas de bureau de vote avec un taux de participation de 100% et plus. Une des mesures prises pour éviter le bourrage des urnes est le dépouillement in situ dès la fin du vote avec affichage des résultats.
2) Le clan Gbagbo soutient mordicus que dans 500 bureaux de vote dans la zone Cno leur candidat a eu zéro voie alors qu’il a deux représentants par bureau de vote. Cela est possible. Dans la sous-préfecture de Divo, ADO a eu zéro voie dans des bureaux de vote. Tous les candidats à la présidentielle savent que leurs représentants dans les bureaux de vote ne font pas parti du personnel d’astreinte. Ils ne peuvent donc pas voter dans le bureau de vote dans lequel ils sont affectés s’ils ne figurent pas sur la liste électorale de ce bureau. Avoir zéro voie dans un bureau de vote n’est donc pas une preuve de fraude.
3) Concernant les empêchements de vote des militants Lmp de la zone Cno, tous ceux qui connaissent la sociologie politique ivoirienne savent que ni le Fpi, ni le Pdci, ni le Rdr ne peut gagner seul une élection sans qu’il n’y ait alliance entre deux des trois grands partis. Ce que le Pdci et le Rdr ont fait dans une alliance dénommée Rhdp. Aussi, le nord est la chasse gardée d’ADO et cela n’est un secret pour personne. Après la victoire calamiteuse (ce sont ses propres termes) de Gbagbo Laurent à la présidentielle de 2000 qui l’opposa au Général Guéï, le Fpi n’a eu aucun élu au nord aux élections législatives boycottées par le Rdr et locales (mairie et conseil général) qui en ont suivi. Dans une élection présidentielle à deux tours, le vote du premier tour est surtout un vote partisan. Il ressort de la comparaison des résultats du premier tour et du second tour obtenus par Gbagbo Laurent, une amélioration sensible de son score au nord. D’où vient que, subitement le candidat Gbagbo ait eu tellement de militants au nord et qu’on les ait empêchés de voter ? Soyons sérieux. Gbagbo et son clan savent, dans leur for intérieur, que mille fois l’élection présidentielle sera organisée, mille fois il n’aura pas plus de 5% dans le nord.
4) Quant aux violences dans la zone Cno, ce sont des faits qui ont été grossis par le clan Gbagbo pour servir sa cause. Il n’y a pas eu plus de violences au nord qu’à l’ouest. L’autre jour j’écoutais Gbagbo Laurent dans une interview que lui accordait une télévision étrangère où il expliquait au journaliste que des femmes ont été violées dans des bureaux de vote dans la zone Cno pour montrer la gravité des violences. La question que je me suis posé est de savoir comment peut-ont violer une femme dans un bureau de vote où il y a plusieurs personnes de sensibilités différentes et qui en général ne se connaissaient pas au paravent ?
5) Un autre argument que Gbagbo Laurent avance pour confisquer le pouvoir est le respect de la constitution et des institutions ivoiriennes. « Le Conseil constitutionnel a désigné un président, c’est l’application de la constitution, il n’y a plus de débat », clame-t-il. Ce que Yao Paul N’Dré a fait n’est rien d’autre qu’un déni de démocratie, un coup d’Etat constitutionnel. Cela est inacceptable. Tous les démocrates d’Afrique, tous ceux qui sont convaincus que la seule voie d’arriver au pouvoir est celle des urnes doivent se mobiliser et demander à Gbagbo Laurent de se plier à la volonté du peuple souverain.

Cette crise post-électorale semble durablement s’installer. La communauté internationale qui a reconnu dans sa grande majorité l’élection d’Alassane Ouattara a opté pour des sanctions diplomatiques, financières et économiques graduelles pour faire plier Gbagbo Laurent. Pour le moment ces sanctions restent sans effets. Ces genres de sanctions produisent des effets à moyen ou long terme. Or des diplomates estiment que le temps joue en faveur du Président désigné par le Conseil constitutionnel. Les Chefs d’Etats africains, qui pour la plupart dirige des Etats non démocratiques, sont divisés sur la stratégie pour faire partir Gbagbo du pouvoir même s’ils reconnaissent la victoire d’Alassane Ouattara. Plusieurs émissaires désignés par l’union africaine et la CEDEAO sont venus constatés l’échec de leur mission à cause de la volonté inébranlable de Gbagbo Laurent de se maintenir au pouvoir contre vents et marrées. Sa femme l’a martelé au cour d’un meeting : « Gbagbo est installé, il ne bougera pas. C’est la volonté de Dieu ». Gbagbo, à l’image de la Fesci, qu’il a fabriqué, ne comprend qu’un seul langage : celui de la violence. Malheureusement pour le peuple ivoirien, un peuple fondamentalement amoureux de la paix. Malheureusement pour la Côte d’Ivoire, Gbagbo Laurent s’est installé dans une logique du pire : moi ou le chaos. Alors que faut-il faire pour résoudre cette crise post-électorale ? Faut-il continuer dans la voie de la médiation qui ne donnera, j’en suis convaincu, aucun résultat probant, sinon que de faire gagner du temps à Gbagbo Laurent ? Faut-il renforcer les sanctions financières et économiques de telle sorte que tous les circuits financiers soient fermés à Gbagbo Laurent, avec l’espoir que, ne pouvant plus payés les Fds, les mercenaires et les fonctionnaires, ceux-ci se retournent contre lui et demande son départ ? Ou faut-il utiliser la force militaire pour le Chasser du pouvoir ?

Je crois que des sanctions économiques et financières sont plus appropriées pour faire partir Gbagbo du pouvoir. Mais ces sanctions ne doivent pas être le seul fait de l’Union Européenne. Elles doivent faire l’objet d’une résolution de l’ONU. Le blocus des ports d’Abidjan et de San-Pédro doit être intégré à ces sanctions. Au final, si on se rend à l’évidence que la force militaire apparaît comme l’unique voie capable de mettre fin à ce déni de démocratie, alors pourquoi pas.

L’union Africaine vient de décider de constituer un panel de cinq Chefs d’Etat africains représentant les cinq grandes régions du continent qui auront pour mission de trouver une solution démocratique et dans la paix à la crise post-électorale. Ces Chefs d’Etat devront rendre leur rapport dans un délai d’un mois au plus et leur décision s’imposera à Alassane et à Gbagbo.

Espérons que cette médiation de la dernière chance puisse effectivement mettre un terme à cette crise post-électorale et que le résultat des urnes puisse être sauvegardé pour que vive la démocratie en Afrique.

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