Le rôle des policiers selon Gbagbo Laurent

Vous êtes des policiers, vous n’êtes pas des juges... Moi, mon père était militaire et après policier, donc je connais le rôle des policiers…Vos ennemis, ce sont tous ceux qui sont contre la République.Tous ceux qui veulent installer la chienlit, le désordre. Tous ceux qui veulent troubler les élections. Battez-vous contre le désordre, contre la chienlit… Ne réfléchissez pas, ce sont les juges qui réfléchissent. Vous êtes des combattants du respect de l’ordre public. S’il y a des dégâts, les juges rétabliront tout. La République se construit avec les Forces de l’ordre, avec les forces de combat… Moi, j’ai les bras de la République. Quand le moment arrive pour que je lance mes bras, je les lance.
Matez tous ceux qui sèment le désordre et après on réfléchira … Matez, matez, tous ceux qui sont contre la République... Moi, mon père était militaire et après policier, donc je connais le rôle des policiers…Votre rôle n’est pas de réfléchir comme les juges. Ce sont les commissaires qui réfléchissent à votre place… Vous, votre rôle, c’est de mater, de mater…Le policier ne doit pas réfléchir… Il doit taper et s’il y a des erreurs, s’il y a des problèmes nous allons arranger…

Gbagbo Laurent, Chef de l'Etat ivoirien, à l'occasion de l'installation de la CRS 3 à Divo le vendredi 27 Août 2010


samedi 31 janvier 2009

Thank you Ghana !


C’est du premier pays d’Afrique subsaharienne à avoir accédé à l’indépendance, il y a cinquante-deux ans, que nous vient la première bonne surprise de cette année 2009. Un chef d’État, John Kufuor, qui se retire sagement du pouvoir à l’issue de ses deux mandats, sans avoir jamais songé à modifier la Constitution. Deux candidats, John Atta-Mills et Nana Akufo-Addo, tous deux juristes, engagés dans une compétition acharnée mais qui soldent leurs comptes dans les urnes sous la supervision d’une commission électorale irréprochable. Un scrutin qui se joue à quarante mille voix près (sur neuf millions de votants). Un taux de participation record de 73 %. Une administration neutre. Un vaincu qui, tout en reconnaissant sa défaite, choisit de contester en partie les résultats auprès des tribunaux plutôt que dans la rue et se prépare à jouer le rôle d’opposant qui est désormais le sien. Un vainqueur qui tend aussitôt la main à son concurrent et fait tout pour rassurer les partisans de ce dernier. Ce n’est pas en Suède que se déroule ce conte de fées, mais au Ghana. Un pays au passé tourmenté, qui a connu son lot de coups d’État dont deux furent l’œuvre de Jerry John Rawlings, celui-là même dont la prise du pouvoir il y a trente ans s’accompagna de l’exécution sanglante de huit généraux et celui-là même à qui l’on accorde aujourd’hui le crédit d’avoir instauré une vraie culture démocratique parmi ses concitoyens.

 

Pour tous ceux qui, dans le monde des Blancs, estiment encore que les élections sur le continent sont par définition truquées, frauduleuses et ethnicisées, rituels politiques purement formels, luxes inutiles, bouffonneries de rois nègres et tragiques illustrations de l’incapacité pathologique des sociétés africaines à assimiler la modernité politique, bref pour tous ceux qui partagent la lettre et l’esprit d’un certain « discours de Dakar », la leçon est cinglante. Le modèle ghanéen, avec son électorat policé, son alternance banalisée, son leadership de qualité, ses partis structurés, son « marché » politique libre et concurrentiel, démontre, s’il en était besoin, que le communautarisme et le clientélisme, toujours très présents, n’empêchent ni l’expression d’un vote d’opinion ni le bon fonctionnement de la démocratie électorale. Dans ce pays où, en outre, l’économie marche plutôt bien – 6 % de taux de croissance et d’intéressantes perspectives pétrolières à partir de 2010 –, voter est un acte qui a du sens, parce que connecté à la réalité et susceptible d’avoir un impact sur la vie quotidienne.

Ce rare exercice d’afro-optimisme fera-t-il école en 2009 ? On pense à la Côte d’Ivoire voisine bien sûr, mais aussi aux prochaines échéances présidentielles au Congo, en Angola ou au Niger. On songe également aux pays du Maghreb, à qui le Ghana administre une belle leçon de maturité et d’intelligence. Au Zimbabwe, qui est un peu le contre-exemple. Point d’illusions excessives toutefois. La dévolution du pouvoir par les urnes n’est pas, on le sait, la règle absolue sur le continent. De Nouakchott à Conakry, le déblocage de situations tendues à la tête de l’État se fait encore sur le mode de la violence présentée comme une rectification nécessaire des erreurs induites par un multipartisme perverti. Paradoxe – ou régression – suprême, on a même vu en Mauritanie, et surtout en Guinée, des partis d’opposition démocratique apporter leur soutien à des officiers putschistes, comme s’ils avaient désespéré de conquérir un jour le pouvoir par le biais du fonctionnement normal des institutions, comme si la fraude et la déviance devaient éternellement faire obstacle à la tenue d’élections réellement compétitives. Quant au nord du Sahara, séparé du sud par un océan géopolitique et culturel, là où les paris sont inutiles à l’instar des courses à un seul cheval, les pouvoirs en place n’ont nul besoin de tricher, si ce n’est sur le taux de participation. C’est dire donc s’il convient de se méfier des contagions faciles. On a vu les conditions qui, mises ensemble au même moment, ont présidé au « miracle » ghanéen. Il n’est pas sûr, hélas, qu’on les trouve réunies ailleurs. Sauf à espérer que, comme en 1957, quand le pays de Nkrumah ouvrit le bal des indépendances, les autres suivent son exemple.

Jeune Afrique- Par : François Soudan  


dimanche 25 janvier 2009

Présentation des voeux de nouvel an: Gbagbo, l'historien explique la pauvreté et le phenomêne de nouveaux riches

Cela nous rassure M. le Président. Cependant, la crise perdure et les conséquences sont là, les Ivoiriens s'appauvrissent. On sent vraiment ses effets avec les déchets ménagers dans les rues. Comment faites-vous pour juguler cette crise?
Ne mélangez pas les deux choses. Il y a les déchets ménagers et la paupérisation. Il faut les séparer.
Premièrement, c'est normal qu'on devienne pauvre dans un pays en guerre. Des livres sont écrits sur la guerre, il faut les lire. La guerre rend les gens pauvres. J'écoute certains dire qu'une minorité devient riche. C'est aussi cela la guerre. Dans cette situation, il y a toujours un petit noyau qui devient riche. Parce qu'il vend ce dont on a besoin. Je disais tantôt aux religieux que certains se sont enrichis au Nigeria grâce au commerce de chiens. Ils les cherchaient à travers l'Afrique de l'Ouest. Et les vendaient au Nigeria pour se faire de l'argent. Pendant la 2è guerre mondiale, en France, certains se sont enrichis grâce au commerce avec l'Allemagne. La guerre crée un petit groupe de nouveaux riches. Le plus grand nombre s'appauvrit. Le tout est d'en savoir la proportion. Toutefois, je ne connais pas un pays au monde où tous les habitants ont le même niveau de richesse. Tous les traités d'économie ont été écrits parce qu'il y a des riches et des pauvres. Un essai a même été intitulé, la pauvreté, richesse des nations. Ce sont les riches qui ont les moyens pour capitaliser, accroître leur richesse et les pauvres sont des employés. Mais le problème pour un gouvernement, c'est de faire en sorte que ceux qui sont les moins nantis aient droit au minimum vital; qu'ils aient les moyens d'avoir accès à l'école, aux soins de santé, au travail. Et que leurs enfants puissent rêver aussi à un avenir prometteur. Comme nous. Enfant de pauvre. Sinon, nous ne serions pas arrivé à ce stade. C'est cela la politique d'un Etat. Il ne s'agit donc pas de supprimer les riches. Aucun pays ne l'a fait. Vous avez vu les résultats des pays qui ont tenté de les supprimer. Ils se sont écroulés.
Qu'est-ce qu'on fait alors?
C'est pourquoi, nous avons lancé la politique de l'école gratuite, l'assurance maladie universelle, pour que tous ceux qui habitent en Côte d'Ivoire aient accès à un médecin si leur état de santé l'exige. C'est pourquoi, nous avons lancé la décentralisation pour que dans chaque région, les gens puissent jouir de ce dont ils ont besoin. D'où également la politique d'électrification et d'adduction d'eau. Or cette politique a été freinée par la guerre. C'est pourquoi, il faut vite y mettre fin. Je voudrais insister sur le fait qu'il ne faut pas rêver en pensant qu'il y a des pays où il n'y a pas de pauvres.
Il y a des pauvres et des riches certes, mais le problème c'est que les Ivoiriens se demandent comment ces nouveaux riches ont fait pour acquérir des biens alors que le peuple s'appauvrit. Vous qui avez décidé, en homme de gauche, de combattre ces enrichissements illicites, les détournements d'argent. Où en êtes-vous avec ce combat?
On continue. Vous êtes Ivoiriens, journalistes, vous observez. On ne combat pas l'enrichissement. Je ne le ferai jamais. Ceux qui peuvent devenir riches par leur travail, qu'ils le fassent.
Cependant, on combat l'enrichissement frauduleux. Je ne peux pas, sous prétexte de ce combat, aller arrêter des justes et les jeter en prison. Mais quand dans un secteur, ou un domaine donné, on me montre des preuves qu'il y a des malversations, je saisis le tribunal, le procureur, qui lance une procédure. C'est cela mon rôle.
C'est ce que vous avez fait dans la filière café-cacao. Mais des proches de ceux qui sont en prison disent que ces responsables ont largement contribué à l'effort de paix en achetant des armes pour l'Etat, et qu'ils sont aujourd'hui mal récompensés. Qu'en dites-vous?
Je n'en dis rien. Puisque c'est une affaire qui est devant la justice. Ce n'est pas mon rôle de commenter les affaires qui sont en cours. Sur ce point, je voudrais vous dire que les producteurs ont effectivement donné 10 milliards pour l'achat des armes et nous les avons effectivement achetées. Mais cela n'est pas une assurance contre ce qui va suivre. Il faut qu'on soit clair. Au niveau d'un Etat, on ne s'assure pas pour pouvoir voler. Je ne dis pas qu'ils ont volé. Il ne me revient pas de le dire. C'est le tribunal qui y est habilité.
S'il est vrai que les proches des responsables le disent, c'est qu'ils ont tort. Si la filière café-cacao a donné 10 milliards de francs pour l'achat des armes, cela est inscrit dans les livres. Il faut que toutes les dépenses de l'Etat soient tracées. Cette dépense l'est donc. Ce n'est pas ce qu'on leur reproche. Ce que les juges qui les ont mis aux arrêts leur reprochent, c'est certainement autre chose que nous attendons de voir.
M. le Président, êtes-vous en train de dire que ces personnes ont été incarcérées parce qu'elles ont détourné de l'argent?
Non. Je dis qu'on m'a signalé des cas de détournement. J'ai demandé au procureur de la République de faire un rapport. Et s'il pense qu'il y a des raisons de poursuites, qu'il le fasse.
Vos adversaires disent que ce combat est restrictif dans ce pays, qu'il y a d'autres qui sont en liberté. Pouvez-nous dire s'il y a des gens qui, aujourd'hui, se livrent à ce genre de chose? Et le jour où vous aurez les preuves, iront-ils en prison?
Le combat est forcément restrictif. Ce que je reproche à mes prédécesseurs, c'est de ne l'avoir pas mené. S'ils l'avaient fait, on serait bien loin. Je le commence, il faut qu'ils m'applaudissent au moins. Pour qu'ils jurent qu'un jour si, par hasard, ils reviennent au pouvoir, ils continueront mon œuvre.
Forcément, il y a des gens qui ont volé et qui sont en liberté. On ne peut pas arrêter des personnes sur la base des soupçons. Le Chef de l'Etat saisit la justice s'il a des soupçons dans un secteur donné. Les citoyens peuvent aussi le faire. Il ne faut pas que les gens attendent seulement que le Chef de l'Etat le fasse. La justice existe pour tous les citoyens qui vivent en Côte d'Ivoire.
Source le Nouveau Reveil.



Gbagbo laurent, le chef de l'Etat de Côte d'Ivoire, trouve normal que les ivoiriens deviennent pauvres dans cet pays, même en crise, alors que tous les objectifs de recettes ont été atteint(impôt, douane et port); alors que l'Etat n'achète que de grosses 4x4 grandes consommatrices de caburant; alors que son budget a connu une augmentation exponenentielle ( il est d'environ 60 milliards de FCFA. Sous Bédié il était de 15 milliards et le FPI le trouvait exagéré). Ca donne à refléchir sur les compétances de ce monsieur, de surcroit socialiste, à gouverner ce pays.

Concernant le phénomêne de nouveaux riches, et vous le savez bien, la question des journaliste ne concerne pas ceux qui ont investi leur argent en prenant des risques; mais il s'agit des respnsables de l'administration et des dirigeants des entreprises publiques qui en quelques années sont devenus des milliardaires. Comme le dit les chanteurs de zouglou, on se connait en détail.

Vous affirmez: "Je ne peux pas, sous prétexte de ce combat, aller arrêter des justes et les jeter en prison. Mais quand dans un secteur, ou un domaine donné, on me montre des preuves qu'il y a des malversations, je saisis le tribunal, le procureur, qui lance une procédure. C'est cela mon rôle."

Le "on me montre des preuves", c'est qui ce on. Qui doit vous montrez des preuves. A quoi servent les inspecteurs d'Etat? Quel est le rôle de la cours des comptes. Il est existe des moyens pour contrôler l'utilisation de l'argent publique, c'est l'audit. Le budget de l'Etat ivoirien ne vous appartient pas, vous en êtes que le gestionnaire et à ce titre vous devez rendre compte de ce que vous en avez fait. Il faut que les ivoiriens apprennent à rendre compte de leur gestion. C'est ça aussi le démocratie.

vendredi 23 janvier 2009

Ivoirité: La part de vérité du Professeur Bernard Zadi Zaourou


•De l’avis de nombre d’observateurs de la vie publique, les intellectuels ivoiriens ont démissionné depuis au moins une décennie. Partagez-vous cette opinion ?
Vous dites depuis une décennie. Quand vous parlez de démission, à quel défi faites-vous allusion ? Quelle exigence ou attente nationale ?

*Il y a nombre de chantiers comme celui de l’ivoirité par exemple ! Quand le politique a fait la trouvaille, ce sont les intellectuels qui l’ont conceptualisée et qui n’ont pas su dire attention quand il le fallait. Quand le coup d’Etat est survenu, les intellectuels n’ont pas su dire non face aux dérives de la junte.Avant le coup d’Etat, il y a eu l’ivoirité que certains intellectuels ont cautionnée. Sur la question de l’ivoirité, moi j’ai toujours été sceptique quant à la manière dont ce problème est abordé pour un certain nombre de raisons. Je pense avoir une légitimité pour aborder cette question parce que j’étais le ministre de la Culture et je sais que le président Bédié avait posé ce problème d’un point de vue purement culturel. Dans le cadre de l’action gouvernementale, c’est moi qui gérais cette question. Je ne crois pas m’être surpris en train d’élaborer un concept de rejet, d’exclusion. Même de toute bonne foi, à un moment donné, le président de la République a voulu créer un haut conseil de l’ivoirité. C’est moi qui l’ai mis en garde contre ce projet. Je lui ai dit que puisque les politiciens ont récupéré ce concept, cela risquait d’être vu comme une institutionnalisation de l’ivoirité. Il m’a écouté. Le fait que les politiques se soient emparés du mot ivoirité pour l’interpréter comme un concept d’exclusion ne signifie pas forcément que ce concept a eu réellement ce contenu. Il faut être honnête. Personne ne peut me citer un texte de Bédié dans lequel il met l’accent sur l’exclusion des gens à partir de l’ivoirité. Ce n’est pas vrai. Bédié n’est même pas le père de l’ivoirité puisque c’est Niangoran Porquet qui l’a créé. C’est un concept culturel. Dans mon dernier livre, je dis que c’est une fleur du jardin senghorien. C’est Senghor qui a fait la promotion de ces mots formés à partir du suffixe « ité » comme arabité, sénégalité, francité, malgacité, africanité etc. Cela signifie l’état d’être Arabe, Sénégalais, Malgache, Ivoirien ou Africain.

•Mais n’empêche, ce concept a très vite glissé sur le terrain de l’exclusion…

*…Ce concept qui n’était que culturel et sociologique a été récupéré par les politiciens. Ils lui ont donné un contenu négatif. Cela est dû au fait que quelques ministres ont commis l’erreur de donner des interviews sur ce concept-là sur la base de concessions erronées. Je pense notamment au ministre Kouamé Faustin. Mais est-ce qu’on peut ramener le programme d’un gouvernement à l’opinion d’une ou deux personnalités ? Je dis non. Il n’y avait pas une politique d’Etat sous Bédié consacrant l’exclusion avec comme canal le concept d’ivoirité. Il y avait une cellule comme la Curdiphe où il y avait des hommes de haut niveau comme Niangoran Bouah, Saliou Touré, Jean Marie Adiaffi, Loucou Jean Noël, Niamkey Koffi…ils ont soutenu l’ivoirité mais je n’ai pas vu ces intellectuels-là, discriminer les autres Ivoiriens dans leurs discours et par rapport à l’ivoirité. Je les connais tous personnellement et, croyez-moi, ils ne sont nullement tribalistes. Je sais que bien des éléments des forces de défense et de sécurité ont eu à l’égard de nos frères du Nord des comportements inadmissibles. Personne ne peut nier cela ni cautionner cela.

•Pourquoi n’aviez-vous pas personnellement adhéré à la Curdiphe ?

*Je n’étais pas tenu d’y être. Adiaffi m’en avait parlé mais je n’ai pas été motivé particulièrement. Mais ce n’est pas lié à l’ivoirité. Evidemment, les politiciens s’en sont servis pour leur propagande, mais on ne peut pas dire que ce sont les intellectuels qui ont en fait corrompu le concept d’ivoirité pour ruiner l’image du président Bédié. Ils voulaient à tout prix la chute de son régime. Eh bien, ce régime est tombé. Mais la situation de bouse que nous vivons depuis 1999 leur donne-t-elle satisfaction ?


•Mais lorsque le concept a dévié, ces intellectuels ne sont pas revenus à la charge pour dire attention, ce n’est pas cela l’ivoirité. La Curdiphe, par exemple, n’a pas survécu au coup d’Etat de 1999 ?

*Il y a au moins un intellectuel qui a écrit un ouvrage entier, un de mes conseillers au ministère de la Culture, en l’occurrence Boa Tiémélé Ramsès. Il fait le point de la question dans un ouvrage que je vous conseille de lire. C’est un professeur de philosophie. Il montre clairement pourquoi il y a eu les dérapages. Je m’excuse, si certains croient que Bédié est le diable, je fais alors l’avocat du diable. L’ivoirité relevait de mon département. Bédié a dit que l’ivoirité était un concept d’intégration culturelle et les Ivoiriens et les autres Africains qui vivent en Côte d’Ivoire doivent travailler jusqu’à ce qu’il y ait une symbiose qui se réalise. Cette synthèse culturelle devait permettre à la Côte d’Ivoire de faire un bond en avant dans tous les domaines. Où est l’exclusion ? Je suis prêt à affronter n’importe qui sur ce sujet, sur un plateau de télévision ou ailleurs. Au ministère de la Culture, nous disions que l’ivoirité est une création de Niangoran Porquet et non de Bédié.

Interview réalisée par, Traoré M. Ahmed

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La grande démission des intellectuels ivoiriens

«Les intellectuels ivoiriens ont démissionné». C’est le constat fait par nombre d’observateurs de la vie publique de la Côte d’Ivoire. Nord-Sud Quotidien a décidé d’ouvrir le débat.

«Si les Guinéens, par leur passivité et leur démagogie coutumières, multiplient les couplets de louange et laissent passer ses excès et ses dérives, ce jeune et innocent capitaine deviendra très vite un monstre, un de plus dans un pays qui a connu Sékou Touré et Lansana Conté », cette mise en garde est celle de l’écrivain Tierno Monénembo, au lendemain du coup d’Etat qui vient de secouer son pays. C’est ce type de posture intellectuelle qui a manqué à la Côte d’Ivoire, notamment lors du coup d’Etat du général Robert Guéi en 1999. Très peu d’intellectuels et d’élites ivoiriens, en effet, ont eu le courage d’enjamber la langue de bois, de revêtir la livrée du courage pour poser, de manière honnête et responsable, les balises et prévenir des dérives inhérentes à tout pronunciamiento. Tous, en tout cas la grande majorité d’entre eux, ont opté soit pour la voie du silence complaisant soit, pour la collaboration avec la junte, en qualifiant cette prestation de service de tactique électoraliste ou de stratégie politique. La conséquence est là. Implacable. 

On a laissé l’ivoirité prospérer

Sous la houlette des plus grands intellectuels de ce pays, nous avons bâti une Constitution décriée, “digne d’un pays d’illettrés” selon le mot du Pr Zadi Zaourou et dont certaines dispositions sont devenues automatiquement caduques dès son adoption. Nous vivons, en ces jours mêmes, une crise identitaire dont la guerre n’est qu’un des avatars, qui aurait pu être évitée. Les intellectuels, flambeaux de la société, qui éclairent les consciences par leur lumière, n’ont pas su ou pas voulu identifier le péril social et sonner l’alerte avant que le crash ne se produise. Le pire a fini par arriver. Nous sommes de plain-pied dans la crise sociale, politique, identitaire, économique. En un mot comme en mille, la grande partie des intellectuels ivoiriens a totalement démissionné. Pourtant, ce n’est pas faute de tribune pour s’exprimer ou de disciples prêts à vulgariser leur parole. Les masses ivoiriennes en sont désormais réduites à considérer les intellectuels de ce pays comme des arbres gorgés de fruits, que l’on ne peut hélas, savourer. A quoi sert donc un arbre fruitier si l’on ne peut se délecter de ses fruits ? De quelle utilité est un intellectuel pour sa société si ses diplômes et sa grande connaissance des êtres et des choses ne se réduisent finalement qu’à un titre prestigieux qu’il négocie chaque mois contre un salaire ?


Quand l’ivoirité a poussé ses premiers vagissements sous le régime Bédié, il est apparu que ce sont des intellectuels qui l’avaient conceptualisé, nourri, défendu, et lui ont donné du volume et du coffre. Rassemblés au sein d’une structure créée pour la cause qu’ils ont baptisée Curdiphe (Cellule universitaire de réflexion et de diffusion des idées de Henri Konan Bédié), des universitaires ivoiriens ont fait la promotion de l’ivoirité, un concept culturel qui a été instrumentalisé pour devenir une arme politique de destruction massive. Selon Jean-Noël Loucou, universitaire de renom, «l’ivoirité est une exigence de souveraineté, d’identité, de créativité. Le peuple ivoirien doit d’abord affirmer sa souveraineté, son autorité face aux menaces de dépossession et d’assujettissement: qu’il s’agisse de l’immigration ou du pouvoir économique et politique». L’ivoirité devenait ainsi une arme pour protéger les Ivoiriens contre de prétendus envahisseurs. Dans la même optique, Niamkey Koffi, lui, a indiqué que «pour construire un “Nous”, il faut le distinguer d’un “Eux” […] Il faut parvenir à établir la discrimination NOUS/EUX d’une manière qui soit compatible avec le pluralisme des nationalités.» En termes simples, l’ivoirité doit servir de barrière, de ligne de démarcation entre des citoyens censés être autochtones et d’autres, suspectés de vouloir se fondre frauduleusement dans cette autochtonie.  

Sous la transition militaire

Le Pr Georges Niangoran-Bouah, pour sa part, définit l’ivoirité, « comme l’ensemble des données socio-historiques, géographiques et linguistiques qui permettent de dire qu’un individu est citoyen de Côte d’Ivoire ou Ivoirien. Ce terme peut aussi désigner des habitudes de vie, c’est-à-dire la manière d’être et de se comporter des habitants de Côte d’Ivoire, et enfin, il peut aussi s’agir d’un étranger qui possède les manières ivoiriennes par cohabitation ou imitation ». 


Après la conceptualisation, la promotion. Grâce à une puissante machine de propagande, une grande partie du peuple a subi un lavage de cerveau sur cette idée d’ivoirité qui devait préserver les Ivoiriens contre des étrangers cupides, envahisseurs, voleurs d’emplois, de femmes, de pouvoir, de bonheur en un mot. Et les dérapages ont commencé. L’ivoirité que Bédié indiquait n’être qu’un concept culturel, a commencé à glisser sur le terreau politique. Et a pris les traits d’une préférence nationale mal fondée. Des politiciens véreux et les forces de l’ordre, s’en sont servis comme instrument pour brimer tous ceux dont les noms ne luisaient pas dans le miroir de l’ivoirité. Aucun des intellectuels et théoriciens de l’ivoirité n’a été capable de dire que l’on allait à la dérive. Les brimades se sont amplifiées devant leur silence complice jusqu’à ce jour fatidique de Noël 1999 où la machine a été enrayée par les « jeunes gens ». Le Pdci a perdu le pouvoir et la Curdiphe a disparu comme par enchantement, emportant avec elle, son ivoirité. 

De même, lorsque les clubs de soutien poussaient comme des champignons, avec pour seul discours la promotion de l’ivoirité et ses funestes conséquences, les intellectuels proches du camp présidentiel, anesthésiés par le pouvoir, ou l’argent ou les deux, n’ont pu prendre de la hauteur pour jouer leur rôle de guide, d’objecteur de conscience. Et ce qui devait arriver arriva. Bédié a payé cash les outrances de ses intellectuels “suiveurs”.

La transition militaire en 2000, de triste mémoire, signe l’agonie des intellectuels. Le général Guéi Robert et ses “jeunes gens” sont vite pris en main par des politiciens munis de calculatrices. Ils réussiront à détourner le chef de la junte de la « mission d’assainissement de la vie publique » qu’il s’est lui-même assignée. Lors de la rédaction de la Constitution d’août 2000, les intellectuels, parqués dans des camps, n’ont pas eu le courage de relever les incongruités du texte fondateur de la Deuxième République. Par décret n°2000-13 du 21 janvier, le général Guéi Robert a mis sur pied une Commission consultative constitutionnelle et électorale (Ccce) en vue de faire le toilettage les textes fondamentaux du pays. Autour d’Ekra Mathieu, président de la Ccce, il y avait Bernard Dadié, Memel Fotê, Lamine Diabaté, Seri Gnoleba, Kotchy Barthélemy, Assoa Adou, Zadi Kessi, El Hadj Aboubacar Fofana, Mgr Paul Dakoury, Sansan Kouao, Kouamé N’Sikan… En somme, les sages du pays s’étaient retrouvés pour redresser le pays. Ils ont examiné et retouché le projet que la sous-commission constitution présidée à l’époque par le Pr Ouraga Obou, leur avait remis. Les sages trouvaient ce texte mal rédigé, incohérent et porteur de germes de conflits futurs. Hélas ! Ces gens de grande mesure ont été accusés de tripatouillage par un groupe de politiciens activistes. Pour le malheur de notre pays, ces activistes avaient de l’influence auprès de Guéi. Des Ong créées à la va-vite ont essaimé et ont commencé à empoisonner l’atmosphère autour de cette idée de tripatouillage. Selon ces gens, le texte tel qu’il était sorti de la sous-commission devait être soumis, sans aucune retouche ni amélioration, au vote populaire, quelles que soient ses faiblesses évidentes. Leur diktat a été imposé par Guéi aux Ivoiriens. Cette société civile préfabriquée a tronqué le jeu politique alors que, selon le mot du Pr Zadi Zaourou, « elle est constituée de jeunes gens qui malgré leur bonne volonté, n’ont pas le poids et la culture nécessaires » pour faire une lecture appropriée des problèmes d’intérêt national. Sous leur impulsion donc, une Constitution bancale a été servie aux Ivoiriens. On n’a pas entendu d’intellectuels emboucher la trompette de l’avertisseur, pour clamer haut et fort que le rôle d’une commission est justement de dépoussiérer les textes d’une sous-commission. 

Les intellectuels sont tous marqués

Jusqu’à ce jour, Koné Dramane, un intellectuel, continue de clamer haut et fort, contre l’évidence, que cette Constitution est bonne : « Je ne pense pas que la Constitution soit bancale. Ça aussi, c’est une crise de représentation. C’est une Constitution qui n’est pas parfaite puisqu’elle n’a pas été votée à 100%, mais elle fait quand même notre fierté. Elle est soumise aussi à l’épreuve du temps et de l’application».

A l’avènement de Laurent Gbagbo, tous les professeurs qui, à quelque moment que ce soit, ont eu à faire chemin avec lui dans sa longue marche vers le pouvoir, ont déserté l’université. Mamadou Koulibaly, Bohoun Bouabré, Boga Doudou, Lida Kouassi, Agnès Monnet, Voho Sahi, Gnaoulé Oupoh, Sery Bailly, Yao N’Dré, Koné Dramane, Hubert Oulaye …sont tous partis. Ils ont troqué la toge universitaire contre le complet veston et les amphithéâtres contre les cabinets douillets des ministères. Le revers a été immédiat pour l’université. Un déficit d’enseignants de rang A. Assistants, maîtres-assistants, maîtres de conférences, professeurs titulaires… tous ne rêvent que d’une seule chose : s’asseoir dans un bureau ministériel ou à défaut celui de directeur de cabinet, de chef de cabinet, de conseiller spécial, de chargé de mission. Tous veulent jouir du pouvoir et des privilèges, sans qu’aucun d’entre eux ne prenne le pari de poser un regard critique sur la pratique du pouvoir. La République de Côte d’Ivoire a été rebaptisée «République des professeurs». Seuls un nombre infime d’entre eux, a gardé des liens avec l’université. Et cela désole le Pr Zadi Zaourou. «Le fait que certains collègues arrivent à ces postes et se coupent complètement de l’université fragilise notre enseignement parce que, très souvent, ce sont des professeurs de haut niveau.

Quand l’intellectuel a peur…

Ils ont tort car leur métier c’est l’enseignement » regrette-t-il. En allant dans les cabinets, les professeurs se sont mis au service d’un camp ou d’une chapelle politique. Quel que soit le camp et quel que soit le parti politique. Dès lors, toutes les pensées qu’ils émettent sont faites à travers le prisme déformant de leur idéologie. Et le Pr Mamadou Koulibaly de sonner la charge: « Quand on écoute certains, on se demande même s’ils sont intellectuels. Tous sont aujourd’hui politiquement marqués et chacun réfléchit à travers le prisme de ses aspirations politiques. Souvent quand je suis face à mes collègues universitaires des autres pays, j’ai honte qu’on m’identifie comme intellectuel ivoirien. Pourtant, il y a une dizaine d’années, on était tous fiers d’être étiquetés comme intellectuels ivoiriens.”

Certains intellectuels expliquent leur disparition par la peur. Deux sortes de peur : d’abord la peur de perdre des privilèges durement acquis. Ayant accédé à de hautes fonctions dans l’administration, une grande partie des universitaires a perdu le sens de la critique. Selon un sociologue du Fpi, qui a requis l’anonymat pour des raisons évidentes, «chacun se dit : si je parle, on va m’enlever le pain de la bouche. Dès lors tout le monde se tait». Ensuite, la peur des représailles. Elle amène certains universitaires de haut vol et de grands penseurs à choisir l’option de «l’exil intérieur» et de se résigner à ne pas critiquer. L’on a ainsi vu de grands maîtres comme Barthélemy Kotchy entrer dans une forme d’hibernation intellectuelle. Cela, dit-on, pour éviter de susciter le courroux des maitres de la refondation dont il ne partageait plus les options nouvelles et l’orientation politique.

Traoré M. Ahmed
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lundi 19 janvier 2009

Application du 4eme accord complémentaire de Ouaga


 Le 4ème accord complémentaire de l'accord politique de Ouaga prévoyait pour le 15 janvier 2009 le redéploiement effectif de l'administration dans la zone sous contrôle des forces nouvelles avec le rétablissement de l'autorité de l'Etat et l'unicité des caisses. Ce qui  signifie la disparition des commandants des zones. Passer cette date, c'est toujours le statut quo. On est encore au stade des incantations. C'est à croire que Soro Guillaume, Secrétaire des forces nouvelles et à ce titre premier ministre signataire de cet accord et chargé de sa mise en oeuvre, n'a plus d'autorité sur ses hommes. Cette première étape dans l'application du 4ème accord complémentaire était l'occasion pour Soro Guillaume et ses hommes de montrer au peuple ivoirien et à la communauté internationale leur irréversible détermination à sortir de cette crise. Malheureusement, la réalité est là: Soro Guillaume et ses hommes ne sont pas du tout presser d'abandonner la poule aux oeufs d'or. Comme cette situation fait l'affaire du camp présidentiel, on continue de jouer la même scène de théâtre aux ivoiriens qui ne savent plus à quel saint se vouer.

Si Soro et Gbagbo n'ont pas la compétence, la détermination et la conscience de la souffrance et de la misère des ivoiriens pour les sortir de cette crise qu'ils démissionnent car il ne doit plus avoir d'accords complémentaires à l'accord politique de Ouaga. Vous en avez suffisament signé.

Peut-être que la Côte d'Ivoire a besoin d'un MESSIE pour sa renaissance!

vendredi 9 janvier 2009

Démocratie en Afrique: l'exemple ghanéen

Des élections législative et présidentielle viennent de se dérouler au Ghana sans que le pays se déchire, sans violence et dans le respect mutuel. Ces élections, remportées par l’opposition, ont été organisée par la structure chargée des élections qui à la confiance de tous les acteurs politiques ghanéens et qui est dirigé par la même personnalité depuis environ 15 ans. Le mandat du Président John Kufor étant arrivé à son terme (au Ghana le mandat présidentiel est de 4 ans), il n’a cherché ni à tripatouiller la constitution pour se maintenir au pouvoir comme s’est souvent le cas en Afrique ni à tronquer l’élection présidentiel pour que son candidat sorte vainqueur contre la volonté du peuple. A observer la scène politique africaine où des Présidents, après des décennies au pouvoir, sont prêts à tout pour s’y maintenir, où des opposants arrivés au pouvoir par des élections démocratiques manœuvrent pour s’y maintenir, on croirait que le Ghana se trouverait sur un autre continent. 
Le Ghana est bel et bien en Afrique, en Afrique de l’ouest, à la frontière est de la Côte d’Ivoire qui naguère étaient enviée des Ghanéens.
Faut-il désespérer de l’Afrique ? Je pense que non. Le processus démocratique amorcé par la plupart des pays africains est irréversible même si dans nombre de ces pays ce processus à du plomb dans l’aile. Quelques pays, (je parlerai surtout de l’Afrique de l’ouest, région que je connais mieux), ont déjà écrit une belle histoire de leur parcours démocratique. Il s’agit du Bénin, du Mali et bien sur le Ghana dont je salut la maturité et le sens de la nation de leur classe politique ainsi que de leurs citoyens. Quant au Sénégal, j’apprécierai mieux la vigueur de leur démocratique à la fin du mandat de Aboulaye Wade.
Que les Mugabé, Bongo, Sassou N’Gesso, Paul Biya, Blaise Compaoré, Eyadema Fils, Gbagbo Laurent…… puissent se nourrir de la leçon de démocratie donnée par la classe politique ghanéenne.

dimanche 4 janvier 2009

Assalé, bienvenue au pays des zombies


Après avoir lu dans le Nouveau Reveil cette lettre de Venance Konan, j'ai décidé d'en publier une partie car elle dresse le sombre tableau de la réalité politique, économique et social de notre ex-beau pays.

Mon cher Assalé Tiémoko Antoine

Il y a un an, à quelques jours près, le tout-puissant procureur Tchimou te faisait mettre au trou pour douze mois. Il en avait le pouvoir et il l'a utilisé. Je t'avais alors écrit, à la veille de la nouvelle année, pour te demander de lui souhaiter quand même une bonne année. Je sais que tu l'as fait. Le 31 décembre 2007, il a dû boire du champagne, comme le font tous les hommes puissants de ce pays. Il n'y avait pas de raison qu'il ne le fasse pas. Il venait d'envoyer à la MACA l'impertinent Assalé Tiémoko, celui qui écrivait que notre justice était pourrie, que les concours de l'ENA s'achetaient, que notre pays allait dans le mur.
Cela dit, petit frère Antoine, je te souhaite quand même la bienvenue. Bienvenue au pays des zombies. Tu sais ce que c'est que les zombies. Ce sont des espèces de morts vivants qui n'ont plus aucune volonté et font tout ce que celui qui les contrôle veut qu`ils fassent. Zombies. C`est ce que nous qui étions en dehors des murs de la MACA sommes devenus. Franchement, nous ne sommes pas mieux que toi qui était de l'autre côté. On nous fait vivre dans les ordures et nous y restons. Sans émettre la moindre protestation. En sachant très bien que nous risquons d`avoir une grosse épidémie un de ces jours. Tu as vu dans quel état est notre belle lagune ? Notre président bien-aimé augmente chaque année ses fonds de souveraineté jusqu'à dépasser les 60 milliards, lui qui se plaignait des quinze milliards de Bédié, au temps où la Côte d'Ivoire n`était pas coupée en deux, et nous l'acclamons. Maintenant il ne se donne plus la peine de faire voter son budget par l'Assemblée nationale. Aucun député n'a protesté. Et nous trouvons cela absolument normal. Que peut dire un zombie ? Un de mes amis qui n'est pas Ivoirien m`a demandé " pourquoi personne ne proteste, pourquoi personne ne se lève pour organiser les gens ? " La réponse est simple, mon cher Jacques. Nous sommes zombifiés. Assalé, tu me diras peut-être " que fait l'opposition ? " Laisse tomber cette affaire d`opposition, petit frère. Comme j`ai beaucoup de respect pour certains membres de cette soi-disant opposition, je m'abstiens désormais de dire ce que je pense d'elle. Mais sache que du fait de la ménopause intellectuelle qui frappe cette opposition dans son ensemble, elle est totalement coresponsable des malheurs des Ivoiriens. Mais pour être totalement honnête, il n'y a pas que cette opposition qui soit coresponsable. Nous le sommes tous, nous qui nous sommes laissés zombifier par la peur, par l`argent, par la corruption, par les mensonges, par notre égoïsme, et pour dire, par notre nègrerie. Il n'y a que des nègres pour subir ce que nous subissons aussi passivement, sans réagir, pour applaudir les bourreaux, pour peu qu`ils distribuent un peu de l'argent qu'ils nous volent, pour suivre des soi-disant opposants qui ne sont que les complices objectifs de nos dictateurs.
Petit frère, tu comprends que je suis totalement écœuré et que j`ai de plus en plus honte d`être ivoirien. Mais on ne peut pas se renier. Je continue donc d`assumer ma condition d`Ivoirien et de zombie. Comme je ne suis pas encore candidat pour traverser le désert, et sauter dans une pirogue pour me retrouver à Lampedusa, je ne peux que rester dans ce pays mien et pousser de temps en temps une gueulante qui, je le sais, n`émouvra personne et ne changera rien. Mais c`est la seule façon que j'ai trouvée pour ne pas devenir fou. Petit frère Antoine, tu connais la dernière trouvaille de notre président bien-aimé dont le génie, la compétence, l`habileté, la vision, le patriotisme, le tout ce que tu veux sont reconnus dans le monde entier ? Il se bat en ce moment comme un beau diable pour que notre pays soit classé parmi les pays pauvres très endettés. Ailleurs, on se bat pour être classé parmi les meilleurs, nous, on se bat pour être parmi les derniers. Chacun mène le combat qu`il peut. Allez expliquer ensuite à nos enfants qu`il faut qu`ils travaillent bien à l`école pour être parmi les premiers. Il paraît que nous sommes sur la bonne voie pour obtenir cette place tant convoitée de pays pauvre. Il ne nous reste plus qu`à organiser des séances de prières dans nos mosquées, temples et églises pour obtenir que le pays qu`Houphouët-Boigny rêvait de voir parmi les plus développés soit désormais classé parmi les plus pauvres de la terre. Notre survie en dépend, à ce qu`on nous a dit. Et les zombies que nous sommes devenus ne trouvent rien à y redire. Nous danserons certainement le jour où l'on sera classé PPTE (pays pauvre très endetté), si l`on nous le demande. Nous avons bien dansé le jour de la signature de l`APO. Tu connais l`APO, petit frère ? C`est l'Accord Politique de Ouagadougou. On l`avait signé avant que tu n`ailles au trou. Notre président bien-aimé a dit que c'est le plus bel accord que l`esprit humain n`ait jamais imaginé, qu`il devrait être enseigné dans les écoles de sciences politiques, et que Soro Guillaume et lui, les signataires de ce bel accord, devraient se voir décernés le prix Nobel de la Paix. Si les Européens n`étaient pas, comme toujours, jaloux de ce qui se crée en Afrique, c'est l'accord politique de Ouagadougou qu'ils auraient proposé aux Israéliens et Palestiniens qui s`étripent à nouveau. Eh bien, quand cet accord a été signé, on nous a demandé de danser. Et nous avons dansé. Que pouvions-nous faire d`autre ? Madame Simone Gbagbo et Sidiki Konaté ont même dansé le " gbégbé " ensemble à Yopougon. Blé Goudé, Soro Guillaume et Wattao sont devenus, comme cela, par la magie de l`APO, les meilleurs amis du monde. Concernant Blé Goudé, quelqu'un a dit très sérieusement à la télévision qu`il est désormais le Gandhi ivoirien. Mais ça, ça n`a rien à voir avec l`APO. C`est grâce aux sanctions de l`ONU. Elles adoucissent les mœurs encore mieux que la musique. Fofié Kouakou de Korhogo qui enfermait les gens dans des containers jusqu`à ce que mort s`ensuive est devenu lui aussi plus doux qu`un agneau depuis qu'il a pris sa sanction dans les gencives. Et mon ami personnel Djué Eugène est devenu très silencieux depuis sa sanction onusienne. Et aussi depuis qu`il a été bastonné à la présidence. Je ne sais pas si tu as appris cette affaire à la MACA. Il était allé à la présidence demander son " bonne année " et on n`a pas voulu le lui donner. On l`a plutôt donné aux autres, ceux du clan. Djué s`est fâché tout noir, et les autres se sont aussi fâchés. Résultat, il a été copieusement battu. Petit frère, avant que tu n`ailles en prison, on cherchait la date des prochaines élections. Tu as passé un an en taule et tu en es sorti. Eh bien, on continue de chercher la date de ces fameuses élections. L`opposition attend sagement que M. Gbagbo se décide à les organiser. Et M. Gbagbo a dit "si on n`organise pas d`élection ça fait quoi ?" Et personne parmi les zombies que nous sommes devenus n`a pu lui répondre. Résultat ? Il n`y aura pas plus d`élection cette année qu`il n`y en a eu en 2008, en 2007, en 2006, en 2005. Et ça ne fera rien du tout. Bien sûr, tes sclérosés d`opposants te diront que grâce à leur brillante stratégie, M. Gbagbo n`aura pas d`autre alternative que d`organiser les élections dans le premier trimestre de 2009 et…de les perdre. C`est ce qu`ils me disent chaque année depuis 2005. Ils ne se rendent pas compte qu`ils sont désormais les seuls à s`écouter parler, parce que les Ivoiriens dans leur ensemble ont décroché par ailleurs à cette opposition qui a étalé aussi lamentablement son incompétence. La vérité, petit frère, est que toute la classe politique qui a toujours vécu grassement sur le dos des Ivoiriens a signé un pacte, pour continuer à sucer le sang du peuple. Quel opposant, député ou homme politique ivoirien as-tu entendu dénoncer comme il se doit le sort fait au peuple ivoirien ? Je te parlais plus haut de l`APO, ce si bel accord qui devait nous conduire aux élections qui n`intéressent aucun homme politique ivoirien en réalité. On en est au quatrième accord complémentaire à cet accord. Cela signifie que l`on tourne en rond, que l`on nous berne, qu`on nous prend pour les zombies que nous sommes effectivement, et pendant ce temps, le nord de la Côte d`Ivoire est toujours entre les mains d`une bande de pilleurs de banque, de bandits de grands chemins qui ont tué et torturé, et dont le chef est le premier ministre de ton pays. C`est là l`une des vertus de l`APO. Une autre est d`avoir mis la Côte d`Ivoire sous le contrôle direct du Burkina Faso. Plus rien ne se passe désormais dans notre pays sans l`aval du beau Blaise du Burkina. Dès qu`un problème se pose ici, nos dirigeants et nos opposants, dont certains ont été président et premier ministre de ce pays se précipitent à Ouagadougou pour prendre les instructions de Blaise. C`est ce qu`on appelle libérer le pays de la colonisation. Je crois qu`on a voulu nous dire qu`il vaut mieux être colonisé par un voisin plus faible que soi, mais plus intelligent, plutôt que par un pays lointain et puissant. On appelle tout ça refondation, mon cher petit frère. Veux-tu que je te parle de ton école, de notre école ? A quoi bon ? Que ne sais-tu pas déjà ? Tu as d`ailleurs écrit de très beaux papiers sur cette école refondée. C'est aussi tout cela qui t'a conduit en prison. Tu as vu que cela n'a soulevé aucune émotion chez les zombies que nous sommes. Tout ce qui arrive aux zombies est bon pour eux. Et ils disent que tout ce que Dieu fait est bon. C'est la phrase préférée des zombies ivoiriens en ce moment. Et la FESCI continue son œuvre de destruction de cette école qui devait former l`élite de notre pays mais qui ne forme plus que des crétins zombifiés. Que te dire d`autre, petit frère ? En fait je voulais tout juste te souhaiter la bienvenue dans notre monde de zombies et j'ai fait des digressions. Je vieillis et je commence à radoter. Bonne et heureuse année. Souhaitons ensemble une bonne année à tous les zombies, à ceux qui les ont zombifiés, et n`oublions surtout pas le procureur Tchimou. Ne sois pas ingrat petit frère. Grâce à lui tu as quand même passé un an, logé et (mal) nourri aux frais de l`Etat. Ce qui n`est pas si mal pour le chômeur que tu es et qui risque de le rester encore longtemps lorsque notre pays sera classé PPTE.
Venance Konan, écrivain,
journaliste indépendant

vendredi 2 janvier 2009

Voeux du Chef de l'Etat à la nation


A la veille de chaque nouvelle année les Chefs d'Etat ou de gouvernement prononcent un discours radio-télévisé à leur différents peuples pour tenter de répondre à leurs attentes et de les rassurer quant à leur légitime désir d'un mieux vivre.

En Côte d'Ivoire nous avons longuement et attentivement écouté notre chef d'Etat dans l'espoir que le peuple, mais surtout les fonctionnaires qui attendent après le forum social de Grand-Bassam une revalorisation salariale à partir de janvier 2009, puisse être rassurés des mésures concrètes qu'il compte prendre pour lutter efficacement contre la cherté de la vie.

Dans son intervention, le Chef de l'Etat donne l'impression d'avoir conscience des difficultés de ses compatriotes; en effet il déclare: "Nous avons connu la guerre. La crise née de cette guerre a créé dans le pays une situation inhabituelle. Je vois bien les difficultés de toutes sortes dans lesquelles vivent aujourd’hui beaucoup d’entre nous. Je sais que la cherté de la vie qui est la raison essentielle de ces difficultés est telle que les plus durement touchés en sont arrivés pour certains à perdre espoir. La vie est devenue chère parce que l’accès au transport, aux produits de première nécessité et au logement n’est plus facile pour beaucoup d’entre nous." Belle analyse! Comme solution, il propose: "Aujourd’hui, les cours du pétrole sont à la baisse." "Si les tendances actuelles à la baisse se maintiennent, nous aurons une deuxième baisse des prix à la pompe au début de 2009. S’agissant des denrées de première nécessité, je veux parler surtout des produits vivriers, la Côte d’Ivoire produit en quantité suffisante ce que les Ivoiriens ont l’habitude de consommer." "J’en déduis que le problème n’est pas celui de la production mais qu’il s’agit surtout d’un problème de réorganisation de la distribution. Je vais recevoir, dans le courant du premier trimestre de la nouvelle année, les acteurs du secteur des vivriers pour chercher avec eux, un système de redistribution qui nous mette à l’abri de la spéculation."

Le Chef de l'Etat révèle " Lorsque j’arrivais à la Présidence de la République, en octobre 2000, le baril de pétrole coûtait environ 35 dollars US sur le marché international." Cela fait quelques mois que le baril de pétrole oscille autour de 40 dollards US. Pourtant le prix à la pompe ne baisse pas et reste élevé.

Le Chef de l'Etat poursuivant son analyse de la situation socio-éconimique du pays estime: "En ce qui concerne le logement, c’est un fait que la forte concentration démographique dans les centres urbains des régions du Sud, et particulièrement à Abidjan, à cause de la guerre, a suffi à elle seule, à faire grimper les coûts du logement. Or, à cela est venue s’ajouter la flambée des coûts des matériaux de construction des bâtiments, notamment le fer, le ciment, le sable etc. La question du logement est donc aussi un enjeu de la Paix. Tout comme le chômage."

Pour le chômage, sa solution réside dans la mise en place du fond national de solidarité et le projet de création de la zone franche de biotechnologie: " C’est pourquoi j’ai mis en place le Fonds national de solidarité (Fns) destiné à la promotion de l’auto-emploi, permettant aux jeunes de créer leurs propres entreprises. Je constate malheureusement que malgré l’ancienneté de cet outil, très peu de jeunes le sollicitent. En 2009 nous allons prendre des mesures non seulement pour faire connaître davantage ce fonds mais surtout pour alléger les conditions d’éligibilité. Cependant, la plus grande action de lutte contre le chômage des jeunes que j’ai initiée est la création de la Zone Franche de la Biotechnologie et des Technologies de l’Information. La réalisation de ce projet économique majeur a été confiée au Village des Technologies de l’Information. Les études de ce projet sont entièrement achevées. Le financement est déjà obtenu pour la première partie de sa réalisation. Il débutera en janvier 2009 et générera à terme et au profit de nos jeunes diplômés, quarante mille (40.000) emplois directs et au moins deux cent mille (200.000) emplois indirects."

Concernant l'augmentation exponentielle des matériaux de construction, aucune solution.

Sur la question du front social, alors que les fonctionnaires attendent avec impatience une revalorisation salariale, le Chef de l'Etat semble lier leur sort à la sortie de crise régie par l'accord de Ouaga alors que le train de vie de l'Etat et de tous ceux qui gravitent autour du pouvoir n'est pas du tout affecté par cette crise: "Sur la question des remous sociaux, jamais notre pays n’a connu autant de manifestations qu’en 2008. Je comprends ces mouvements et personnellement, je le dis à tous les Ivoiriens, je n’empêcherai jamais les revendications syndicales. Je sais les efforts à faire pour répondre aux revendications des travailleurs. J’en appelle cependant au sens de la responsabilité de tous les leaders syndicaux de Côte d’Ivoire et, au-delà, de tous les travailleurs du secteur privé comme du secteur public. Nous sortons de guerre. Notre économie doit se remettre des conséquences de la guerre. Gardons cela à l’esprit dans l’expression de nos revendications. La satisfaction pleine et entière de toutes ces revendications est liée à la sortie de crise. Nous sommes sur la bonne voie depuis la signature de l’Accord Politique de Ouagadougou." Cette crise dont les ivoiriens doutent de la sincérité des deux signataires de cette accord à nous en faire sortir.

Au total, nous sommes restés sur notre fin car le Chef de l'Etat vient une fois de plus de nous démontrer son incapacité à répondre  aux aspirations légitimes d'un mieux vivre de ces concitoyens après plusieurs années de sacrifice.