Le rôle des policiers selon Gbagbo Laurent

Vous êtes des policiers, vous n’êtes pas des juges... Moi, mon père était militaire et après policier, donc je connais le rôle des policiers…Vos ennemis, ce sont tous ceux qui sont contre la République.Tous ceux qui veulent installer la chienlit, le désordre. Tous ceux qui veulent troubler les élections. Battez-vous contre le désordre, contre la chienlit… Ne réfléchissez pas, ce sont les juges qui réfléchissent. Vous êtes des combattants du respect de l’ordre public. S’il y a des dégâts, les juges rétabliront tout. La République se construit avec les Forces de l’ordre, avec les forces de combat… Moi, j’ai les bras de la République. Quand le moment arrive pour que je lance mes bras, je les lance.
Matez tous ceux qui sèment le désordre et après on réfléchira … Matez, matez, tous ceux qui sont contre la République... Moi, mon père était militaire et après policier, donc je connais le rôle des policiers…Votre rôle n’est pas de réfléchir comme les juges. Ce sont les commissaires qui réfléchissent à votre place… Vous, votre rôle, c’est de mater, de mater…Le policier ne doit pas réfléchir… Il doit taper et s’il y a des erreurs, s’il y a des problèmes nous allons arranger…

Gbagbo Laurent, Chef de l'Etat ivoirien, à l'occasion de l'installation de la CRS 3 à Divo le vendredi 27 Août 2010


jeudi 4 juin 2009

Il était une fois, le Miracle ivoirien dans un LINCEUL Orange-Blanc-Vert

La petite conversation qui suit, je l'ai recueillie en plein vol, c'était une nuit dans les rue de Daloa, entre un vieil homme et un jeune garçon, son petit fils certainement. Leurs paroles ont assailli mes tympans, ce soir-là, mais plusieurs années après, rien n'a changé, je les entends toujours, comme le dernier échos d'un sombre au revoir nocturne, comme les dernières tribulations de deux êtres qui ne s'aiment plus et qui se séparent :
-Papi, ai-je entendu le jeune garçon demander, le ‘'miracle ivoirien'', c'était un homme ou une femme ?

-Yééé, ricana le vieil homme, avant de plonger ses doigts dans sa barbe rousse et pouilleuse. Une barbe, si elle n'est pas celle du bouc, doit refléter la sagesse, même dans la parole.

-Petit, répondit-il, c'était un bel homme, le plus beau, le plus grand, le plus heureux, le plus prospère et le plus fière d'Afrique de l'Ouest....

-Et qui l'a tué, la FESCI ?

-Non, la FESCI est née sur ses cendres refroidies.

-Mais qui a tué un tel homme, alors ? insista le petit, éberlué.

-Oh, allons mon fils, c'était l'oeuvre du phacochère, ces animaux-là n'achèvent jamais leurs oeuvres, répondit-il. Ce n'était qu'un simple virage menant à un mirage. Si tu te confies à la fleur du melon à l'aube, au crépuscule elle fermera les yeux pour te laisser seul, a conclu le vieil homme, avant de poursuivre son chemin, claudiquant sur ses os à découvert, un reste d'homme marchant fatalement sur le bout des dernières cordes de ses derniers jours.

Paroles folles, ni le petit, ni le passant anonyme comme moi, n'auront rien compris en verbiage.

Une fois chez moi, j'ai consacré toute la première moitié de la nuit à décoder ce que voulait dire ce septuagénaire de passage, mais la portée profonde de son discours m'échappa tout simplement. Comme un spermatozoïde en peine à la surface d'un ovule déjà fécondé, j'ai lamentablement échoué quant à la compréhension de ce message, malgré la qualité de ma curiosité cette nuit-là.

Les années se sont écoulées sur la chaîne du temps, comme de gigantesques grains de chapelet ; beaucoup d'eau de pluie a lessivé la terre ivoirienne ; plusieurs centaines de mes connaissances ont cessé de vivre ; autour de moi, les amours se sont faites et défaites ; la République de Côte d'Ivoire a connu dans l'entre-temps trois présidents avec des fortunes diverses; toutes les villes que je connais ont changé plusieurs fois de visage ; mais les paroles du vieil homme inconnu, sont restées intactes, inaltérées, solidement lovées dans mes tympans, comme si c'était hier nuit. Les belles métaphores sont comme des diamants contre le temps.

Maintenant, les choses me sont trop claires, je n'avais entendu qu'une oraison funèbre, une litanie de deuil, celui d'une époque qu'a connue la Côte d'Ivoire. Je m'étais donc inutilement laissé distraire par l'homme. Le ‘'Miracle ivoirien'' ne fut donc qu'un mirage. Maintenant, je ris même de mon évasion juvénile. Faut-il être qui avant de comprendre ce que c'est qu'un miracle ? De toutes les définitions du terme, je ne retiens que celle-ci :

Miracle : acte contraire aux lois ordinaires de la nature et produit par une puissance surnaturelle. Cette définition nous allège allègrement la tâche, puisqu'elle nous situe sur les conditions de la survenue du ‘'miracle ivoirien'' : on s'y attendrait le moins, ou bien même pas du tout. L'émotion est bien nègre, a dit le poète, cette fois elle est là, toute l'émotion ivoirienne, jalousement tapie dans ce sursaut économique prodigieux qu'a connu le pays dans les années 1970, ce pas de géant au milieu du bonheur et de la prospérité économique et sociale. La surprise et l'étourderie qui en ont découlé, ont été telles qu'on n'aurait pas cru l'Ivoirien capable d'un exploit d'une si grande qualité. Ce n'était pas prévu, et voilà le pays subitement à la tête de la sous région, brillant de mille étincelles au milieu de pays aux populations faméliques et mourant de disette ! Voilà le miracle, la Côte d'Ivoire fatalement agrafée à la queue d'un immense sort inattendu. Quelle bombance ! quelle libation ! Pourquoi se priver donc de jouir quand la source de sa jouissance est intarissable ? Une mine de joie, embouchure d'ivresse nue, anus du grenier au miel!

Mais bon sang, comment les gens à l'époque, n'ont pas vu le cyclone de misère qui tourbillonnait dans leur miracle ? Ce paquet de prospérité venu de la voie lactée. Une fortune miraculeusement acquise, peut aussi par voie de miracle disparaître ! Ils étaient si euphoriques de parler de miracle, l'inscrivant même dans les annales de l'Histoire du pays comme une épopée. Un miracle économique chez nous ! Vraiment, la providence aura été magnanime, totalement regardant d'un peuple élu par les cieux.

Le miracle signifie, en d'autres mots, ‘'on ne s'y attendait pas du tout.'' Du coup, je me retrouve dubitatif, voire même estomaqué, quant à la fiabilité de nos schémas de développements économiques au départ. Et pourtant le ‘'Vieux'' ne s'est jamais trompé dans son choix de Libéralisme économique, option qui a le grand mérite de responsabiliser le citoyen, en tout cas, à mon sens. Mais encore faut-il qu'il soit bien orchestré, le capitalisme, sinon Karl Marx se retourne dans sa tombe et éternue dans sa solitude, pour dire qu'il n'avait pas tort.

Qui plante des manguiers récolte logiquement des mangues mûres, le moment venu. Mais alors, qu'est-ce qui est jubilatoire dans le fait de récolter ce qu'on aura semé, à part la joie de faire du progrès ?

‘'Miracle économique ivoirien.'' Ah, émotion subversive ! vaste insulte d'un peuple qui n'aura pas cru à ses potentialités, à son destin, et qui tombe en transe face à ses propres performances et l'attribue à un esprit supérieur. C'était un miracle ! Ce qui, de facto, signifie que le contraire n'est pas possible, c'est-à-dire, réaliser des performances de géant rien que par la volonté et le génie ivoirien. Voilà qui sonnerait le glas pour tous nos éminents économistes, et Dieu seul sait combien ils sont aujourd'hui.

Voilà le progrès ivoirien comme un don du ciel, et lorsque la tornade est arrivée, elle en a soufflé l'essentiel, laissant l'homme Ivoirien pantois, dépossédé comme un arbre au coeur du désert. Voilà le bel homme dont parlait mon vieil inconnu d'une nuit, froissé par la misère, assujetti à visiter les poubelles pour gagner sa pitance, des poubelles putrides, mortelles, comme le PROBO KOALA. Tribaliste jusqu'à la moelle épinière, il est obligé de mourir pour le premier tenant de la thèse tribale, même si la nullité de ce dernier crève ses yeux. Son grand orgueil nu, cette belle caractéristique ivoirienne a été ensevelie, même si dans un dernier geste désespéré, nous continuons toujours à faire comme si de rien n'était.


CE QUI A TRANSFORMÉ LE MIRACLE ÉCONOMIQUE EN MIRAGE SOCIAL.

Rien au monde, aussi consistant et résistant soit-il, ne résiste à la ponction ininterrompue, incessante. Et si celui qui opère la ponction est conscient et un peu perspicace dans sa besogne, la rupture est assurée. L'homme est l'ennemi de l'homme, voilà comment ils ont méchamment nui à l'avenir de la jeunesse ivoirienne, inutilement assombri les jours de la postérité, sadiquement marché sur nos soleils, pourtant si brillants au départ.

Méditons plutôt cette phrase : « On ne regarde pas dans la bouche de celui qui grille des arachides...» Aurait dit le ‘'Vieux'' au faîte de son pouvoir, au moment où le pays pataugeait dans les mares d'argent et d'or, croulait sous le poids de la prospérité. C'est ce qu'ils ont effectivement appelé miracle économique. Mais les Malinkés disent ceci : ‘'Quand le chef se nomme Père-Cendre, c'est que ses sujets sont de la poussière''. L'interprétation littéraire de cette phrase me fait dire que le bon exemple émane du leader et que le peuple est à son image. Quelles étaient les réelles motivations de l'homme en prononçant ces paroles gravissimes ? Excès de zèle ou expression d'une tolérance à l'égard de ses collaborateurs ? Mais dans tous les cas, ce fut comme le coup de sifflet qui engageât la course à la chair ivoirienne, en même temps le coup d'envoi de l'expropriation des générations futures. Alors chacals et loups surgirent des bosquets et se ruèrent sur la victuaille ivoirienne gravement éparpillée. Le miracle fut aplati, éventré, désossé, émietté et partagé en menus fretins, tout pour eux, rien pour la postérité. Du coup, de manière insidieuse, la notion de baron se hissa comme un filet noir au-dessus de nos têtes. Et leur ventre commença à pousser vertigineusement vers le firmament, ces profondes tombes des billets de banques ivoiriens. Ce fut l'époque de la grande mystification de certaines petites gens jusque-là invisibles dans les entrailles ivoiriennes, de petites consciences souvent issues de plusieurs générations de pauvreté sèche et allicinantes.

Ainsi, jusqu'à la fin des années 1980, plus aucune brique n'était encore moulée pour édifier quoi que ce soit sur le sol ivoirien, plus aucun centimètre de bitume sur nos routes, plus d'écoles, les derniers CEG ont ouvert leurs portes en 1979. Avec quelques immeubles chatoyants au coeur du quartier Plateau d'Abidjan, notre développement était achevé. Les usines SODE devaient toutes faire leur dépôt de bilan par la suite, suivies des unités commerciales de grandes surfaces, je pense ici aux ‘'Chaînes pâques'', ‘'Agri pâques'', ‘'Chaîne Avion''... Les usines sucrières au Nord et au Centre, aujourd'hui pour la plupart, avalées par les roseaux. Les sublimes idées relatives à l'aménagement de la vallée du Bandama sont allées à vau-l'eau, ces fertiles vallées transformées en théâtre d'affrontement et où le sang coula abondamment pendant notre guerre de deux semaines. Mais pour cacher leur dos, on nous parla à coups de cors et de grelots, de la ‘'conjoncture'', avec en toile de fond, une critique acerbe contre une pseudo mévente du Café et du Cacao, les deux grandes cultures d'exportation du pays. La stérilité gagna du terrain. Au même moment, le pays est au centre de toutes les médiations en Afrique et dans le monde. Le prestige du pays reste encore intact. Presque tous les pays sahéliens environnants sont emballés et couchés dans les fins fonds des poches du Vieux, avec pour paravent majeur, la Paix. Mais un empire bâti avec de la vapeur, ne peut résister à la moindre brise matinale. Quand le VIEUX a cessé de vivre en octobre 1993, le cercle des barons comme celui d'une confrérie de sorciers, se brisa avec fracas. La suite, le monde la connaît...

LAISSEZ NOUS EN PAIX, C'EST NOTRE TOUR !

Pendant que le PDCI grillait ses arachides avec avidité, un autre monde grouillait et grondait sournoisement dans l'antichambre. Imaginez un festin de prédateurs dans la vallée, avec dans leur dos une malpropre cohorte de petits charognards. Ce spectacle si coloré me donne le visage de la lutte d'alors sur le terrain politique en Côte d'Ivoire. Le long murmure des misères à l'ombre d'une gabegie nationalement autorisée. Cela dura le temps que nous connaissons tous en Côte d'Ivoire...Grande période fertile en délation et en imposture. La crainte des barons et l'envie qu'ils suscitent en même temps sont divines.

Et, ceux qui se réclamaient de la démocratie vraie parvinrent à prendre le pouvoir, dans des conditions connues de tous. Nous sommes bien au début du 21è siècle, mais rien ne devait changer, bien au contraire. Le pays a reculé jusqu'au sahel pour aller se faire raisonner sur du sable brûlant au sujet d'une espèce de guerre, notre guerre de crabes de quelques semaines seulement, mais appelée à être volontairement prolongée pour le besoin personnel des belligérants. Une guerre sur les testicules de notre marasme économique, c'est là que le lac est devenu tout moite et gluant sous nos pieds tremblants. La Côte d'Ivoire des Barons, naguère fortement vilipendée, est même regrettée. On se tord la bouche amère en disant qu'un voleur pacifique comme voisin n'a rien à voir avec un voisin qui dort avec son fusil en mains, ou qui procède par enlèvements nocturnes et tu crûment sous les ponts de la capitale. Subitement, le vocabulaire urbain se rétracte et se résume au vocable des ‘'Escadrons de la mort''. Nul n'est alors sûr d'être témoin du lever du soleil prochain sur la ville.

Ces nouveaux venus ont surtout un fâcheux verbe sous la langue : ‘'Laissez nous en paix, c'est notre tour''. Mais c'est bien dans cette phrase impérative que réside le mal, et elle n'en est pas moins malheureuse que celle qui exhortait les gens à ne jamais regarder dans la bouche d'un grilleur d'arachide. L'anus et la fenêtre anale renvoient au même passage secret, la terminologie ne peut distraire ici. On vient donc pour soi, pour sa poche, pour ses proches, mais pas pour le pays. Voici le trésor national, le grenier familial.

La suite est connue de tous, la classe des nouveaux riches Ivoiriens en témoigne largement. En deux maigres années seulement, des fils de la misère, des larves de descendants de misères, des misères multiséculaires bien connues sur le terrain, sont aujourd'hui au faîte de leur gloire et qui demandent au bon Dieu de reprendre sa création sur la terre, s'étant trompé selon eux au départ. Des moustiques sont devenus des guêpes, et des poussins se sont métamorphosés en aigles ! Ainsi va la Côte d'Ivoire démocratiquement rêvée.

La Refondation n'aura donc refondé que ses hommes, mais pas la Côte d'Ivoire, ce sublime rêve est tombé en avorton dans la poussière. C'est bien là que l'Histoire devient un os, or même dans l'estomac d'une hyène, la spécialiste, tous les os ne se transforment pas en calcaire dans le ventre! Alors, d'un PDCI voleur à un FPI maraudeur, la seule différence fondamentale reste le sigle.


VOTEZ MOI, JE SUIS PROPRE COMME UN LINCEUL NON ENCORE UTILISÉ !

Voilà le staccato audible à la Rue LÉPIC d'Abidjan. Le linceul en lui-même n'attire pas, et c'est ce qu'il y a de discordant dans cette harmonie. Voyons un peu ceci : que le RDR se retrouve à la place FICGAYO pour un meeting aussi gigantesque et que du début à la fin, le moindre mot tendre ne fut prononcé ce jour-là à l'endroit de toutes ces âmes fauchées sur sa route ! que le moindre chuchotement n'ait fait écho du moindre hommage à tous ces jeunes gens morts, toutes ces fleurs matinales, toutes ces amours terrassées à l'aube de leurs soleils. Alors, du coup, je m'offusque et je me demande pour qui se battent-ils, vraiment. Un programme c'est bon, mais des hommes pour le soutenir, c'est encore mieux. Avec quelle conscience peut-on s'étaler sur des chiffres durant des heures, sans penser d'abord à ceux qui sont tombés pour le RDR, même si notre théorie est inspirée de Dieu ?

Je vois là-bas, sur les vagues de la lagune Ebrié, des jours qui ne se lèveront jamais tels que nous les souhaitons maintenant, malgré la mirobolance de leur programme. Un bon soleil se signale par la qualité de ses premiers sur les murs. Qui sait si dans ce nouveau cercle on ne daignera même pas lever les yeux sur le grilleur d'arachide, à plus forte raison voir sur sa langue.

MAIS POURQUOI TOUT LE MONDE DOIT ECHOUER ?

Ceci est un défi. Superposons gouvernement sur gouvernement, si nous voulons, changeons-les chaque semaine, les uns se comporteront toujours comme les autres, exactement comme si les gens étaient liés par une malédiction. Effectivement il y a une sorte de malédiction couchée dans notre constitution : Le Régime Présidentiel. Les gens ne sont pas forcément négatifs a priori, mais le type de régime dirigeant les y oblige, par principe. Par le poids de son pouvoir, puisqu'il est la force centrifuge du pays, il finit par devenir un chef sorcier entouré d'esprits malfaisants, et c'est sans alternatives ! Le décideur exclusif, le nommer totalitaire, l'homme à la signature comme un impact de création divine, chef des armées, une majorité parlementaire lèche-bottes (il s'arrange toujours pour obtenir sa majorité), une justice sclérosée, corrompue jusqu'à l'étourderie. Un régime présidentiel pur, ne peut fabriquer que des malhonnêtes à la tête d'un pays. Laurent Gbagbo opposant (d'aucuns ne voudraient le voir que dans cette assiette), n'a rien à voir avec le Président Laurent Gbagbo. ADO opposant n'aura rien à voir avec Ouattara président, car le pouvoir exclusif est un poison chez nous.

Je n'ai rien contre les hommes, mais tant que les candidats ne s'engagent pas sur la voie d'une TROISIEME REPUBLIQUE, ce qui implique un changement significatif de Constitution, nous retomberons dans les mêmes abîmes. C'est bien le nouveau son de cloche, et c'est plus qu'un défi. Le trop plein de pouvoir enivre forcement, celui qui a sa bouche dans la chair actuellement le sait, autant que ses poursuivants immédiats ou lointains. Notre salut réside dans l'avènement d'un régime pleinement Parlementaire, c'est à ce seul prix qu'on pourra aspirer à un autre miracle économique.



UN NATIONALISME DOUTEUX

Un jour, en Amphi à l'université Charles-de-Gaulle Lille3 où je faisais un master, dans le cadre d'un cours multiculturel, chaque étudiant devait présenter son pays avec sa principale caractéristique nationaliste. Du coup, je me suis retrouvé face à un trou dans ma mémoire. De l'Amphi, je me suis subitement retrouvé au pays avec pour préoccupation secrète de ramasser les faits saillants qui fédèrent les Ivoiriens et pour lesquels ils sont prêts à laisser leur vie. Ah, quelle tâche ardue ! quelle vaine errance ! Finalement revenu à moi-même, honteux et confus comme une souris sous les doigts de dame chatte, je n'ai pu leur parler que du Zouglou, Nouchi, du Couper décaler et du Garba. Imaginez mes yeux devant le Russe, l'Algérien, le Palestinien, l'Israélien, des gens qui venaient de distinguer à tour de rôle, la couleur du nationalisme tel qu'il est vécu chez eux.

Et le ridicule m'arracha mon verbe, je devins évasif, creux, atone et froid. Moi, mon nationalisme n'a rien d'épique, de poignant, et puis, le peu qu'il y a est vraiment sectaire, tout le monde ne le partage pas, il ne nous fédère pas. En témoignent les différents pans patriotiques ici et là, chacun l'interprétant selon sa propre lecture. Autrement dit, chacun a sa manière d'aimer le pays, la chose n'est donc pas uniforme. Effectivement, combien de couleurs revêt le patriotisme en Côte d'Ivoire ? C'est plus qu'un arc-en-ciel. Il aurait peut-être fallu qu'on arrachât notre Indépendance aux forceps à la France, mais il n'en fut pas le cas, elle m'a été donnée sur un plateau d'or.

A un moment donné, j'ai cru pouvoir m'échapper en m'accrochant à l'équipe nationale de football, les Eléphants. Mais en réalité, autour de cette équipe, il y a toujours des grincements de dents, des frustrations ; si on ne ‘'bétéise'' pas le débat, on le ‘'dioulaïse'' ou on le ‘'guéréise'', tout simplement. Ces nouvelles pontes barbares montrent que les choses n'y sont pas telles que l'observateur extérieur pourrait l'imaginer.

Alors, pour conclure, le libéralisme économique sied parfaitement à un pays comme la Côte d'Ivoire, puisqu'il y a eu un premier miracle. Houphouët avait donc raison. Le mal du pays ne réside nulle part que dans son choix de régime politique. Un Régime exclusivement présidentiel ne peut que fabriquer des potentats, des magnats, qui finissent comme des chefs sorciers, purement et simplement ennemis du peuple. Et quand un tel système finit par séparer les hommes, les cercles se dessinent, les conclaves se forment, les corridors ethniques se barricadent et le patriotisme devient pluriel, douteux et se chante différemment à la manière des oiseaux dans chaque arbre.

Voici donc notre troisième République en gestation dans le ventre du temps, c'est bien le temps des Ivoiriens lucides de composer un nouveau cercle patriotique, pas ce patriotisme suintant, baveux, sanglant, régionaliste, sectaire, qu'il a été donné de remarquer jusqu'ici, non. Rassemblons-nous cette foi-ci en hommes et femmes convaincus du retard accumulé et fiers de mener ce combat si noble. J'ai honte de voir mon pays à la queue des nations minables. Ouvrons nos yeux, le vent qui doit me faire vivre ne m'assomme pas dans la nuque.

Konaté Amidou Tchèbakro, Ivoirien résidant à Bruxelles,

Professeur Certifié de Lettres Modernes,
Écrivain
'Masteurant'' à l'Université Charles-de Gaule Lille3 (France)

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